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met quatre contre elle ; on la laisse de côté dans une question qui l’intéresse en quelque sorte plus que tous ceux qui la traitent, et puis on dit que l’alliance n’est pas rompue, qu’il s’agit d’un dissentiment accidentel sur un seul point, que ce dissentiment n’aura pas d’autre suite, et que le lendemain on traitera encore en commun toutes les questions qui se présenteront !

Oui, après avoir résolu avec la Russie la seule affaire qui puisse changer la face du monde, la seule question vraiment territoriale qui ait agité les esprits depuis que l’épée de Napoléon ne fait et ne défait plus les empires, on viendra nous offrir de nous entendre sur l’entrée des poteries anglaises en France, ou sur l’entrée des modes françaises en Angleterre, ou bien on nous proposera de passer en commun une note à l’Autriche et à la Russie, sur l’occupation trop prolongée de Cracovie !

Une telle manière de raisonner, il faut le dire, n’est pas sérieuse.

Cependant gardons-nous de mal accueillir le discours de lord Palmerston. Il prouve que le public anglais, pour lequel ce discours était fait, exige qu’on parle avec égard de la France, et qu’on professe publiquement le désir de conserver son alliance. Il prouve aussi qu’en signant le traité du 15 juillet, on n’avait pas plus prévu ses conséquences qu’on n’avait prévu la fin de l’insurrection de Syrie, sur laquelle toute la politique du traité repose.

Et quant à la question du procédé, sur laquelle nous avons déjà donné des détails, les explications de lord Palmerston, tout en respirant une grande intention de réparer le mal accompli, ne sont pas plus fondées.

Il dit qu’on avait offert projets sur projets à la France, qu’elle les a tous rejetés, et qu’alors il a bien fallu en finir sans elle. Voici les faits, que nous croyons tenir de bonne source.

Sous le ministère du 12 mai, l’Angleterre avait proposé un plan qui consistait à laisser au vice-roi l’Égypte héréditairement, et le pachalik d’Acre viagèrement, moins la place de Saint-Jean-d’Acre. Cela n’était pas acceptable. Enlever au vice-roi, pour prix de la victoire de Nézib, la moitié de ses possessions, n’était pas même équitable chez des barbares. Le ministère du 12 mai refusa cette proposition. Quand le ministère du 1er mars est arrivé, la négociation n’a d’abord pas été très active. Il semblait que d’un commun accord on voulût laisser reposer les esprits, pour reprendre la question avec plus de sang-froid. Quand on est revenu à la question, lord Palmerston a renouvelé son offre de l’Égypte accordée héréditairement, et du pa-