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POMPEÏ.

de la tiare (rectam autem, thyaram soli imperatori Persarum licebat gestare. Comm. de Radero-Colonia), et encore monté sur son char de parade (quippe qui Darius curru sublimis eminebat, et suis ad se tuendum et hostibus ad incessendum ingens excitamentum). Autour de lui se pressent ses courtisans, parés à la manière des femmes (hœc vero turba muliebriter propemodum culta), les uns abattus déjà, les autres prêts à mourir (circa currum Darii jacebant nobilissimi duces, ante oculos regis egregia morte defuncti, omnes in ora proni, sicut dimicantes procubuerant, adverso corpore vulneribus acceptis). Le cocher a fait tourner bride au magnifique quadrige qui traîne le char de Darius ; mais, effrayés du fracas qui les entoure, et percés des traits de l’ennemi, les chevaux se cabrent et résistent (jamque qui Darium vehebant equi, confossi hastis, et dolore efferati, jugum quatere, et regem curru excutere cœperunt). Alors le prince, arrachant et jetant à terre ses royales insignes, pour fuir plus librement (insignibus quoque imperii, ne fugam proderent, indecore abjectis), s’élance de son char, et va saisir le cheval que lui présente son frère Oxartes (frater ejus, cum Alexandrum instare ei cerneret…), afin d’échapper à toute bride au formidable assaillant qu’il voit prêt à l’atteindre (cum ille veritus ne veniret in hostium potestatem, desilit, et in equum qui ad hoc ipsum sequebatur imponitur).

Ce tableau, d’une dimension considérable, réunit vingt-cinq personnages et douze chevaux, à peu près de grandeur naturelle. Il ressemble tellement, dans sa disposition générale, au tableau de Lebrun sur le même sujet, qu’on pourrait accuser le peintre de Louis XIV d’être un plagiaire de l’antique, si la mosaïque de Pompeï n’eût pas été, de son temps, enfouie sous vingt pieds de cendres. Lebrun ne peut manquer d’avoir consulté Quinte-Curce, et de là vient sans doute la curieuse ressemblance entre l’œuvre de l’artiste grec ou romain, et celle de l’artiste français. Cette ressemblance, au reste, prouve mieux encore, et fera mieux sentir qu’une froide description toute la beauté, toute l’importance de l’ouvrage ancien. La vue de cette mosaïque démontre invinciblement que les peintres de l’antiquité savaient traiter de grands sujets, et embrasser de grandes compositions ; qu’ils savaient y mettre une belle disposition de groupes, des plans divers, des raccourcis, du clair-obscur, le mouvement, l’action, l’expression des têtes et du geste, toutes les qualités enfin de la haute peinture, qui leur sont communément refusées. Et quand on pense, ce qu’il ne faut jamais perdre de vue, qu’un tel ouvrage est tout simplement le pavé d’une salle à manger dans une