Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 23.djvu/530

Cette page a été validée par deux contributeurs.
526
REVUE DES DEUX MONDES.

Morella vint changer la face des affaires. Le découragement redevint encore une fois général, et Espartero eut recours à sa tactique ordinaire en pareil cas : il s’arrêta pour attendre que l’armée eût repris courage.

Il avait alors un motif de plus pour revenir à son attitude d’observation. De tout temps, il avait espéré finir la guerre par une transaction. Dans une proclamation publiée par lui et adressée aux provinces basques, peu après la levée du siége de Bilbao, on trouve la première idée d’un arrangement dont la concession des fueros serait la base. Depuis, il n’avait pas cessé d’entretenir sur ce sujet des correspondances avec quelques chefs carlistes, et en particulier avec Élio et Zarariateguy, qu’il croyait plus accessibles que d’autres à ces idées. Après la défaite de Peñacenada, il y eut une révolution dans l’armée carliste ; Guergue se retira, et Maroto devint général en chef. Or, Maroto étant ayacucho, et, comme tel, l’ancien compagnon d’armes d’Espartero, celui-ci ne douta plus dès-lors du succès de ses plans. Des négociations secrètes s’ouvrirent en effet, elles furent menées de part d’autre avec une extrême réserve ; mais il n’en fut pas moins naturel de suspendre tacitement les hostilités. Cette suspension dura plusieurs mois.

Cependant l’effet produit par la défaite de Morella s’était dissipé, et Espartero crut le moment venu de presser par une victoire la conclusion des négociations qu’il avait entamées. Les carlistes avaient long-temps travaillé à fortifier les positions vraiment formidables de la Peña del Moro, de Ramalès et de Guardamino. Ces positions les rendaient en quelque sorte maîtres de Santander et leur permettaient de faire à volonté des excursions en Castille. Espartero, à la tête de trente mille hommes, s’en empara dans les derniers jours de mai 1839 ; les carlistes y eurent six cents hommes mis hors de combat ; ils perdirent sept pièces d’artillerie, six cents fusils, un magasin à poudre et un grand nombre de projectiles. Ce fut à l’occasion de cet avantage qu’Espartero fut nommé, par décret du 1er  juin, grand d’Espagne et duc de la Victoire.

On sait quels sont les faits qui ont suivi. La convention de Bergara a été signée le 29 août, et le 15 septembre don Carlos a été forcé de se réfugier en France. Fidèle à son système d’expectative, Espartero a attendu encore un hiver avant d’attaquer Cabrera. L’hiver passé, il n’a presque plus trouvé de résistance, et la faction d’Aragon, de Valence et de Catalogne a été détruite presque sans coup férir. La pacification de l’Espagne est maintenant complète.