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ESPARTERO.

n’avait pas fait décimer le régiment tout entier, c’était à cause de la belle conduite qu’il avait tenue à Valladolid.

Arrivé à Pampelune dix jours après, il en fit autant. Quand les troupes furent formées en carré sur les glacis de la citadelle, il les menaça de les faire décimer, si on ne lui dénonçait pas sur-le-champ le nom des coupables : douze soldats furent forcés, par leurs camarades, de sortir des rangs. Alors l’on vit paraître dans le carré le colonel Léon Iriarte, qu’on avait envoyé chercher par un adjudant. Dès qu’Espartero l’aperçut, il lui dit à haute voix : « Le public croit que votre seigneurie est coupable de l’assassinat de Saarsfield. — Je suis innocent, mon général, répondit Iriarte. — Si vous l’êtes, répondit Espartero, je m’en réjouirai ; si vous ne l’êtes pas, votre seigneurie aura rendu compte à Dieu dans deux heures. » On apporta aussitôt une table et des siéges ; le conseil de guerre entra en séance ; des témoins furent entendus ; les prévenus furent interrogés devant toute l’armée, et le colonel Iriarte, le commandant Barricat, les sergens Chatelain, Valero, Lopez et Villagarcia furent fusillés.

En même temps qu’Espartero jouait sa tête dans ces scènes tragiques, il employait toutes sortes de moyens pour se concilier l’affection des troupes. Aucun général ne s’était montré aussi soucieux que lui du bien-être du soldat ; il fatiguait les ministres de ses réclamations pour la paie, la nourriture, l’habillement et le recrutement de l’armée. Enfin, quand il eut temporisé ainsi pendant près de deux ans, réorganisant l’armée de son mieux, et bornant tous ses efforts à empêcher les carlistes de sortir de leurs positions, il prit vaillamment l’offensive au printemps de 1838. Le général carliste Negri avait pénétré dans la Castille à la tête d’un corps expéditionnaire ; Espartero marcha sur lui, l’atteignit le 27 avril près de Burgos, et l’écrasa. Ses bagages et son artillerie tombèrent au pouvoir du vainqueur ; lui-même ne se sauva qu’avec quelques cavaliers, après avoir perdu dans son expédition près de cinq mille hommes.

Le 18 juin suivant, Espartero était devant Peñacenada avec seize bataillons, quatre escadrons et vingt-quatre bouches à feu de tout calibre. Le 20, il était maître de la ville. Deux jours après, le général en chef carliste Guergue étant accouru avec quinze mille hommes, Espartero le défit complètement et lui fit huit cents prisonniers. Le succès de cette affaire fut décidé par une charge de quatre escadrons de hussards, conduits au feu par Espartero en personne. Il se disposa ensuite à attaquer Estella, et il aurait certainement obtenu dans cette attaque un nouveau succès, quand le désastre d’Oraa devant