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ESPARTERO.

auxiliaires anglaises eurent la plus grande part à cette affaire, et qu’elles y mirent, en quelque sorte, la victoire sous la main d’Espartero. Voici comment les choses se passèrent.

Après avoir échoué une première fois devant Bilbao, les carlistes avaient mis de nouveau le siége devant cette ville avec toutes leurs forces. Ce siége durait depuis plusieurs mois, et la résistance héroïque des habitans de Bilbao devenait de plus en plus pénible. Espartero était venu au secours de cette ville avec 18,000 hommes ; mais il restait en observation sur la rive droite du Nervion, en vue de la ville de Bilbao, sans la débloquer. La famine augmentait cependant dans la ville ; les munitions s’épuisaient, et le gouverneur, qui était en communication avec le général en chef par des signaux télégraphiques, lui demanda : — Espartero est-il donc venu pour être témoin de la ruine de Bilbao ? — Espartero ne bougea pas.

Il y avait alors, en rade de Bilbao, deux bâtimens de guerre anglais qui débarquèrent environ cent cinquante artilleurs commandés par le colonel Wilde, le major Colquhoun, Le capitaine Lapidge, et le lieutenant Lehardy. Ces artilleurs élevèrent, dans la soirée du 22, et servirent dans la matinée du 23 décembre 1836, une batterie dirigée contre une des batteries carlistes. La batterie ennemie fut démontée, et dix-sept hommes y furent tués. Le 24, le colonel Wilde et le capitaine Lapidge proposèrent au général Espartero de faire passer le Nervion par une partie de l’armée au-delà du pont brisé de Luchana, ce qui fut accepté. Les troupes furent placées sur des trains de bois ; ces trains, manœuvrés par des soldats de la marine anglaise, étaient commandés par des officiers anglais montés sur les chaloupes du Ringdove et du Sarasin. La flottille traversa le fleuve sous les yeux et sous le canon de l’ennemi. Les carlistes occupaient, sur l’autre rive, les hauteurs de Luchana, qu’ils avaient fortifiées. Espartero était malade ; quand il apprit que ses troupes avaient débarqué, il sortit de son lit pour se mettre à leur tête, et emporta bravement avec elles, au milieu de la nuit, toutes les positions de l’ennemi. Le 25, Bilbao était libre.

Tel fut le fait d’armes qui valut à Espartero le titre de comte de Luchana et les témoignages de reconnaissance et d’admiration de toute l’Espagne. Sans les Anglais, l’admirable population de Bilbao aurait certainement succombé. Dans une autre circonstance, Espartero compromit gravement par ses lenteurs la reine et la capitale. Nous voulons parler de l’expédition de don Carlos sur Madrid. Quand le prétendant sortit des provinces, Espartero, comptant sans doute