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d’armes. Sachant à quoi il s’exposait par ses gains extraordinaires, il devint très adroit au couteau, au fleuret, au sabre et au pistolet. Mais ces exercices furent les seuls qu’il cultivât ; il ne s’occupa nullement d’études militaires et ne mérita que le renom d’un bon officier de cavalerie.

Tous les officiers qui ont pris part à cette guerre d’Amérique, de 1815 à 1824, ont formé à leur retour en Espagne une sorte de confédération. Eux seuls avaient porté les armes durant cette période, et composaient la première génération militaire après celle de la guerre de l’indépendance. Presque tous les généraux qui ont occupé depuis de hauts emplois, Valdès, Rodil, Maroto, Canterac, Seoane, Carratala, Lopez, Narvaez, Ferraz, Villalobos, Alaix, Araoz, Aldama, etc., en étaient, aussi bien qu’Espartero. On les appelle ironiquement en Espagne les ayacuchos, du nom de la désastreuse capitulation d’Ayacucho, qui mit fin à la guerre en même temps qu’à la domination espagnole dans l’Amérique du Sud. Quoiqu’ils aient, comme on voit, peu à se glorifier de leurs communs souvenirs, ils sont de tout temps restés très unis, même en s’enrôlant dans les partis les plus opposés, et cette union, que nous aurons plusieurs fois à rappeler dans le cours de ce récit, sert à expliquer bien des évènemens de la vie d’Espartero, entre autres le plus grand de tous, la fameuse convention de Bergara.

Don Baldomero avait donc, à son retour d’Amérique, en 1824, le grade de colonel et une grande fortune. Comme il était chargé de rapporter les drapeaux conquis dans la campagne, il reçut, en arrivant en Espagne, le grade de brigadier ; puis il fut envoyé au dépôt de Logroño. Là, il fit connaissance avec la charmante señora Jacinta, fille unique et héritière d’un riche propriétaire du pays, M. Santa-Cruz, et l’épousa malgré la volonté de son père. Le ministre de la guerre, Zombrano, l’envoya bientôt après à Palma, dans l’île de Majorque, à la tête du régiment de Soria. Il y resta pendant plusieurs années, venant de temps en temps sur le continent avec sa femme, dont la grace et la beauté devinrent célèbres à Barcelone. Il se lia d’amitié dans cette ville avec Elio, qu’il devait plus tard trouver en face de lui en Navarre ; dès ce temps aussi, on put voir ses préférences marquées pour tous ceux qui appartenaient à la coterie des ayacuchos.

Aussitôt après la mort de Ferdinand VII, il se déclara en faveur de la reine Isabelle II ; et, lorsque la guerre civile éclata, il fut appelé à l’armée du nord en qualité de commandant-général de la province