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suprême qui lui commandait d’aborder la poésie ; il est allé au milieu des villes offrir à la foule les conseils harmonieux de la muse ; mais la foule a passé indifférente.

J’ai dit à ce peuple distrait
De vieilles vérités écrites ;
J’étais simple et je les ai dites
Comme un enfant vous les dirait.
............
Ma voix se perdait dans l’espace ;
Les uns se parlaient à voix basse,
Les autres écoutaient ailleurs.

Tel a été le destin du poète. Accueilli par l’indifférence, que doit-il faire ? Continuera-t-il à marcher dans cette voie rude et stérile ? Renoncera-t-il à ce douloureux labeur ? Les dernières paroles de la pièce respirent l’affliction et le découragement ; on pourrait croire que le prophète méconnu s’est enveloppé pour jamais dans son orgueilleux désespoir. Heureusement, il est permis de tirer de quelques autres parties du recueil des conclusions plus rassurantes. La crise est trop violente pour qu’il faille craindre de la voir se prolonger. Nous aimons à croire que des commencemens pénibles ne rebuteront pas l’auteur de Provence. Qu’il porte dans la pratique de l’art un peu moins de confiance ambitieuse ! Qu’il s’applique à dissiper le nuage de pensées confuses où son talent se débat ! Qu’il élève contre l’aveuglement de ses contemporains des plaintes plus sages et plus mesurées ! Ces conditions remplies, nous ne doutons pas qu’il ne trouve la foule moins distraite et le siècle moins indifférent.

Le poème des Blés devrait suffire pour ramener vers M. Adolphe Dumas les lecteurs dont ces élans d’orgueil ou de colère auraient fatigué la patience. Une inspiration sincère anime d’un bout à l’autre cette suite de gracieuses idylles. Le chant qui célèbre le réveil et le départ des moissonneurs se distingue par la franchise et la vivacité de l’allure. Le contraste de ce chant d’allégresse et des stances qui succèdent sur le travail de midi produit un effet des plus heureux. Le rhythme calme et lourd de ses stances exprime savamment la lassitude. Le même contraste se retrouve plusieurs fois dans la suite. Ainsi, après avoir chanté avec une effusion lyrique les joyeux efforts des moissonneurs, le poète consacre au travail opiniâtre de la glaneuse des stances d’une heureuse et touchante simplicité. Puis, à la description animée de la fête qui célèbre la fin des moissons, succède un hymne à la bonté infinie qui respire un noble et austère enthousiasme. On peut signaler sans doute dans ce poème quelques détails dont la familiarité trouble l’harmonie de l’ensemble ; mais la fraîcheur et la verve qui en marquent toutes les pages rachètent suffisamment ces imperfections légères.

Toutes les fois que M. Adolphe Dumas demande l’inspiration aux paysages de la Provence, il trouve d’heureux accens, des paroles émues. Il y a dans son recueil plus d’une pièce qui rappelle par la grace et l’effusion touchante le