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REVUE. — CHRONIQUE.

De là deux sources d’inspiration bien distinctes, la colère et la rêverie. Entre les plaintes amères que dicte l’une, entre les riantes fantaisies qu’inspire l’autre, notre choix ne saurait être douteux. S’il est une muse de laquelle l’auteur de Provence doive implorer l’appui, ce n’est, nous le croyons, ni celle du drame, ni celle de la satire ; c’est la muse de la rêverie, la muse souriante qui lui a dicté le poème des Blés.

Les pages fraîches et sereines sont malheureusement bien rares dans le recueil de M. Adolphe Dumas. On trouve, au début même du livre, quelques réflexions sur nos tendances littéraires, qui semblent écrites sous l’influence d’une insomnie fiévreuse. C’est assez dire que nous n’entreprendrons pas de discuter une à une et sérieusement les assertions étranges entassées confusément dans la préface de Provence. Il en est une cependant que nous croyons devoir relever, parce que l’auteur la formule assez nettement et qu’il la développe avec l’accent d’une conviction sincère. M. Adolphe Dumas proteste énergiquement contre l’admiration qu’a vouée la France à l’auteur de Child-Harold et de Lara. Ce n’est plus là, nous le reconnaissons, un défi jeté à des ombres, une course à travers les régions nuageuses de la théorie. Combattre Byron, c’est attaquer la littérature moderne dans une de ses plus vivaces sympathies. Heureusement le poète n’est pas frappé au cœur. C’est au nom de la foi, de l’amour, que M. Adolphe Dumas lance sur lui l’anathème. Et qui a mieux aimé que Byron ? qui plus que lui a souhaité de croire ? Vouloir rendre Byron responsable de l’exagération puérile de quelques imitateurs, nier le côté durable et glorieux de l’influence du poète pour n’en voir que le côté passager et mesquin, c’est offrir une victoire trop facile à la logique. Confondre avec le scepticisme désœuvré de notre époque le doute sublime et déchirant qui a dicté Manfred, c’est également faire preuve d’un étrange aveuglement ou d’une légèreté singulière. Nous n’insisterons pas plus long-temps sur de telles erreurs. Quiconque a lu Byron attentivement peut reconnaître que toute portée sérieuse manque aux attaques dirigées contre l’auteur de Child-Harold par M. Adolphe Dumas.

Les pièces où l’auteur de Provence a exprimé son indignation et sa douleur occupent une assez large place dans le recueil, et malheureusement il est peu de ces pièces qui, par la forme ou l’idée, méritent de fixer l’attention. La même pensée se reproduit sans cesse dans ces satires amères. Il doit suffire d’en analyser une seule ; nous choisirons les stances que l’auteur suppose écrites après une lecture de la Cité des hommes. Dans ces stances, M. Adolphe Dumas a, pour ainsi dire, épanché toute sa colère et pleuré toutes ses larmes. On peut se dispenser, quand on connaît cette imprécation douloureuse, de lire la satire intitulée Jean Fréron et les épîtres à MM. Ballanche et Hugo. On trouve dans ces trois pièces le même sentiment d’indignation et de désespoir exprimé dans une forme qui le cède en netteté et en concision à celle des stances que nous allons analyser.

Jetant un coup d’œil sur la route accomplie, le poète pousse un cri de tristesse et de découragement. Au début de sa carrière, il a obéi à une vocation