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REVUE. — CHRONIQUE.

ton ; par l’Autriche et la Prusse sous l’empire d’une vieille habitude, sans conviction et dans la fausse supposition de l’adhésion tacite de la France ; enfin, par la Porte. Ceci est grave et mérite une explication.

Beaucoup de personnes paraissent croire que le traité signé à Londres n’est autre chose qu’une convention préparatoire entre l’Angleterre, la Russie, la Prusse et l’Autriche. On se trompe. C’est un traité de ces quatre puissances avec la Porte. L’envoyé turc a signé, et un courrier est parti à l’instant même pour aller chercher à Constantinople la ratification du traité. C’est à ce point de vue qu’il faut se placer, si l’on veut apprécier dans toute sa portée le fait du négociateur anglais ; c’est à ce point de vue qu’il est facile de reconnaître combien ce fait est blessant pour la France, mauvais en lui-même, déplorable ou ridicule par ses conséquences.

Sans doute le gouvernement français n’a pas été surpris. Il y a long-temps que les dispositions de lord Palmerston lui étaient connues, il y a long-temps qu’il le voyait nager en pleines eaux russes, il y a long-temps qu’il s’attendait d’un instant à l’autre à la signature de quelque pacte anglo-moscovite. Qu’est-ce à dire ? Est-il moins vrai qu’on a fait tout ce qu’on a pu pour nous cacher ces démarches ? Est-il moins vrai qu’un traité formel a été conclu avec la Porte sans que la négociation ait été rendue commune à la France, sans qu’elle ait été invitée à y prendre part et à en discuter les clauses ? Est-il moins vrai que les choses faites on nous a fait passer un memorandum où l’on affecte d’espérer que, bien que peu disposés à un concours matériel, nous voudrons du moins aider les quatre puissances de notre concours moral ? C’est ainsi que lord Palmerston traite l’alliée de l’Angleterre ! Et cette alliée, c’est la France !

Aussi que dit-il pour excuser cet étrange procédé ? La France et l’Angleterre ont marché contre la Hollande, et la France a pris Anvers en vertu d’une convention à laquelle n’avaient été appelées ni l’Autriche, ni la Russie, ni la Prusse.

Mais d’abord la France de juillet était-elle l’alliée, l’alliée intime de la Russie, de la Prusse et de l’Autriche ? Était-elle leur alliée et par les traités et par l’uniformité des principes, des institutions, des situations politiques ?

Il y a plus. Qu’est-ce que la prise d’Anvers comparée à la question d’Orient ? Qu’est-ce qu’un fait isolé, déterminé, comparé à une tentative qui peut engager en Orient une lutte longue et sanglante, appeler sur le théâtre des évènemens les forces de plus d’une puissance, et fournir mille occasions de chocs terribles, de complications funestes ?

Il y a cependant un point d’analogie qui a peut-être échappé aux négociateurs de la convention et que nous tenons à rappeler, certains d’ailleurs que notre gouvernement ne l’a point oublié.

La Prusse, lors de l’affaire d’Anvers, était moralement sûre que la France ne songeait pas à des conquêtes, qu’aussitôt la citadelle d’Anvers prise, elle la remettrait à la Belgique et rappellerait ses troupes. La Prusse cepen-