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lantes, et pour leur défendre d’en recevoir à l’avenir. On n’attendait que la mort de cette princesse pour commencer le blocus final où le célèbre monastère devait succomber. Il n’y avait plus de palladium dans Ilion.

L’oraison funèbre de Mme de Longueville fut prononcée un an après sa mort, non point par Bossuet, je l’ai regretté, mais par l’évêque d’Autun, Roquette, le même qu’on suppose n’avoir pas été étranger à l’idée du Tartufe, et duquel encore on a dit que les sermons qu’il prêchait étaient bien à lui, puisqu’il les achetait. Mme de Sévigné (lettre du 12 avril 1680) loue d’étrange sorte, et non sans de vives pointes d’ironie, cette oraison funèbre qu’on ne permit pas même d’imprimer. Ce qui était plus éloquent que les phrases de M. d’Autun, c’étaient, à cet anniversaire de Mme de Longueville, Mlles de La Rochefoucauld qui pleuraient leur père ; c’était Mme de La Fayette, qu’au sortir de la cérémonie Mme de Sévigné visitait et trouvait en larmes ; car Mme de Longueville et M. de La Rochefoucauld étaient morts dans la même année : « il y avoit bien à rêver sur ces deux noms ! »

Nos dignes historiens de Port-Royal ont dit bien des banalités et des petitesses sur Mme de Longueville : cette qualité d’Altesse sérénissime les éblouissait. Quand ils parlent d’elle, ou de Mlle de Vertus, ou de M. de Pontchâteau, ils ne tarissent plus, et dans l’uniformité de leur louange, dans la plénitude bien légitime de leur reconnaissance, il ne leur faut pas demander le discernement des caractères. On voit par un petit fragment qui suit l’Abrégé de Racine, et qu’il n’a pas eu le temps de fondre, de dissimuler dans son récit, que si Mme de Longueville avait gardé jusqu’aux dernières années la grace, la finesse, et, comme dit Bossuet de ces personnes revenues du monde, l’insinuation dans les entretiens, elle avait gardé aussi les prompts chatouillemens, les dégoûts, les excès d’ombrage : « elle étoit quelquefois jalouse de Mlle de Vertus, qui étoit plus égale et plus attirante. » Enfin, pourquoi s’étonner ? jusque dans le froid abri des cloîtres ; jusque sur les dalles funéraires où elle se collait le visage, elle s’était emportée elle-même, et, bien qu’en une sphère plus épurée, c’étaient les mêmes ennemis toujours, et la continuation secrète des mêmes combats.

La vraie couronne de Mme de Longueville en ces années, celle qu’il faut d’autant plus révérer en elle qu’elle ne l’apercevait pas, qu’elle la couvrait comme de ses deux mains, qu’elle l’abaissait et la cachait contre le parvis, c’est la couronne d’humilité. Voilà sa gloire chrétienne, que les inévitables défauts ne doivent pas obscurcir. On en