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LES SCIENCES EN FRANCE.

montrer que les principaux élémens de notre système planétaire d’où dépend sa stabilité, et qui varient par suite des inégalités séculaires, ne sont soumis qu’à des espèces d’oscillations qui, au bout d’un temps quelquefois très long, les ramènent à leur point de départ. Vous savez, monsieur, que les planètes tournent autour du soleil en décrivant des courbes que les mathématiciens appellent ellipses, et qui ont la figure d’un ovale. La droite qui unit les deux points les plus éloignés parmi ceux qui sont situés sur le contour de cette courbe, est ce qu’en termes de géométrie on nomme le grand axe de l’ellipse ; c’est la longueur de l’ovale. Si le grand axe des orbites des planètes pouvait varier, et si cette variation avait lieu toujours dans le même sens, de manière que ce grand axe augmentât continuellement ou diminuât sans cesse, il est évident que la planète s’éloignerait dans le premier cas indéfiniment du soleil, et dans le second s’en approcherait de plus en plus, et pourrait même finir par y être précipitée. La variation ou l’invariabilité des grands axes est donc, comme on le voit, une des questions qui se lient le plus intimement à la stabilité de notre système planétaire, et il faut se hâter d’ajouter que c’est une des plus difficiles. Laplace s’est occupé le premier de ce problème, et il a prouvé, en négligeant certaines circonstances du phénomène, que la longueur des grands axes restait invariable ; mais Lagrange est celui qui avait le plus fait à cet égard, en démontrant que dans tous les cas l’expression du grand axe de l’orbite des planètes ne contient que des inégalités périodiques, c’est-à-dire que la longueur de l’ovale décrit par une planète ne saurait jamais augmenter ni diminuer indéfiniment. Ce résultat cependant n’était qu’approximatif ; car, pour y parvenir, Lagrange avait été forcé de négliger certaines quantités qui pouvaient influer notablement sur le calcul. Le mémoire de Lagrange est de 1776, et bien que depuis l’on se fût occupé de cette question, on n’avait jamais pu résoudre la difficulté qui avait arrêté le grand géomètre de Turin. Cet honneur, comme je vous l’ai dit, monsieur, était réservé à M. Poisson, qui présenta son mémoire à l’Institut le 20 juin 1808, jour où il accomplissait sa vingt-septième année.

Ce beau travail frappa vivement tous les géomètres, car, outre la grande question cosmologique à laquelle il se rattache, il avait à leurs yeux le mérite de servir à prouver que la durée moyenne de cette espèce d’année qu’on appelle sydérale, est constante ; proposition intimement liée à la première, et qu’il était nécessaire d’établir afin de pouvoir employer toujours avec confiance les tables astronomi-