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nulée. Ce traité fut remplacé par un autre, celui du 15 février 1806, qui consacrait les mêmes stipulations que le premier, avec un accroissement de charges et une diminution d’avantages pour la Prusse. Ainsi, par l’acte du 15 décembre, la Bavière devait céder à la Prusse vingt mille ames de population : cette clause fut supprimée. Par l’article 4 du nouveau traité, le roi s’engagea à fermer jusqu’à la paix, au commerce et à la navigation des Anglais, les embouchures de l’Elbe et du Weser. Le traité du 15 décembre n’avait pas dit un mot de cette disposition. Le ministre de France eut ordre de déclarer à Berlin que nos troupes n’évacueraient l’Allemagne que lorsque le roi aurait ratifié le nouveau traité. Entouré de corps français qui menaçaient d’envahir son territoire, Frédéric-Guillaume fléchit sous la volonté qui l’accablait, et ratifia le traité du 15 février.

Ce n’était là que le prélude d’autres humiliations. Le baron de Hardenberg, ministre des affaires étrangères, était devenu dans le cabinet de Berlin, depuis la violation du territoire d’Anspach, le chef du parti opposé à la France. L’empereur exigea qu’il fût éloigné des affaires. La république batave venait d’être formée en monarchie, et ce nouveau trône avait été donné à Louis Bonaparte. L’empereur n’en fit l’objet d’aucune communication confidentielle à Frédéric-Guillaume. Il en était de même pour les affaires d’Allemagne. Le bruit se répandait partout que la France était au moment de renverser l’ancienne constitution germanique, et le roi ne fut point consulté, lui la seconde personne de l’empire, sur un aussi grand changement. En vertu du traité du 16 février, la Prusse avait cédé à la France les duchés de Clèves et de Berg, qui avaient été érigés en principautés en faveur de Murat. Des détachemens français occupèrent les territoires d’Elten, d’Essen et de Werden, comme s’ils faisaient partie du duché de Clèves ; le gouvernement prussien réclama contre cette occupation, alléguant que ces trois abbayes n’appartenaient point au duché de Clèves, et qu’elles ne lui avaient été réunies qu’administrativement. L’empereur ne tint nul compte de ces réclamations et continua de retenir ces territoires.

Ces procédés dédaigneux et violens semblaient calculés pour pousser le roi à des mesures extrêmes et le forcer à la guerre. Il était plongé dans la douleur et l’abattement, lorsqu’un retour inespéré de confiance et d’amitié de la part de la France vint l’arracher à ses sombres préoccupations. Napoléon s’effrayait à l’idée de détruire la Prusse ; il voulut tenter encore un effort pour se la rattacher et lui ouvrit une dernière voie de salut. Il s’appliqua, par des marques