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Le roi de Prusse calma les défiances qui commençaient à s’emparer de l’empereur Alexandre sur les vues ambitieuses du premier consul, et, en obtenant son concours à la pacification de l’empire, il devint comme le lien d’une triple alliance dont le poids, dans l’affaire de sécularisations, fut décisif.

Par une convention qui fut signée le 13 mai 1802, la France s’engagea à assurer à la Prusse, en dédommagement de ses possessions sur la rive gauche du Rhin, les évêchés de Paderborn et d’Hildesheim, Eichsfeldt, Erfurth, Untergleichen, la ville et une partie de l’évêché de Munster, et d’autres villes et abbayes. Ces acquisitions étaient hors de toute proportion avec ce qu’elle avait perdu ; l’augmentation en population était de plus de quatre cent mille ames. Par cette même convention, le sort du prince de Nassau fut aussi réglé : il reçut l’évêché et l’abbaye de Fulde, les abbayes de Corwen et de Weingarten, et il fut décidé qu’en cas d’extinction de la ligne directe du prince actuel de Nassau, la maison de Prusse hériterait des territoires qui venaient de lui être dévolus. En retour de ces avantages, la cour de Berlin reconnaissait et garantissait (art. 13) tous les arrangemens que la France avait pris en Italie. Or, cette garantie comprenait l’incorporation du Piémont au territoire français, qui venait d’être rendue définitive. En même temps que la diplomatie consulaire augmentait le territoire de la Prusse, elle fortifiait aussi, par de larges indemnités, la Bavière, le Wurtemberg et le grand duché de Bade, et attachait ces états, par l’intérêt et la reconnaissance, à la fortune de la France. L’Autriche lutta long-temps, mais vainement, contre le nouvel ordre de choses, que le premier consul, secondé par la Prusse et la Russie, réussit à fonder en Allemagne : elle ne ratifia que le 24 mars le recès définitif du 23 février, qui sécularisait le patrimoine du clergé allemand.

Le partage des indemnités par la triple intervention de la France, de la Prusse et de la Russie, bouleversa toute l’économie du système germanique, et porta un coup mortel à sa vieille constitution. Elle subsista de nom pendant quelques années encore ; mais tout ce qui faisait sa vie disparut pour jamais. En vain l’empereur chercha à faire, dans l’acte du 24 mars, des réserves pour retenir tous les confédérés dans le lien fédératif ; en vain confirma-t-il les lois fondamentales de l’empire : l’empire n’existait plus. Le recès du 25 février apprit à tous les princes que l’Allemagne avait changé de maître, et que ce n’était plus à Vienne, mais à Paris, que se faisaient ses destinées.