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facilement à le captiver. La prise de Malte par les Anglais et leur refus de la remettre au czar comme grand-maître de l’ordre portèrent ce prince aux résolutions les plus violentes. Il mit en œuvre tous ses moyens d’influence et de force pour faire partager ses ressentimens à Stockholm, à Copenhague et à Berlin, et entraîner ces cours dans une lutte ouverte contre l’Angleterre.

La passion de Frédéric-Guillaume était d’empêcher la guerre de pénétrer par quelque issue dans sa sphère d’action ; sa seule ambition était d’étendre son influence dans l’ombre et le silence de sa neutralité et de se faire l’intermédiaire officieux et comme le régulateur des communications entre les cours de Paris et de Saint-Pétersbourg. Il entrait dans sa politique expectante et timide de se rendre nécessaire à l’une et à l’autre et d’empêcher qu’il ne se formât entre elles une trop vive intimité ; mais Paul et Bonaparte, en s’éprenant mutuellement d’une amitié chaleureuse, avaient dérangé tout d’abord les combinaisons méticuleuses de la Prusse. Unis ensemble de pensées comme d’actions, ils pesaient sur elle de tout le poids de leur puissance et la forçaient de dévier de sa neutralité. Il fallut qu’elle entrât comme partie active dans l’alliance du Nord qui fut signée à Saint-Pétersbourg, les 16 et 18 décembre 1800, entre cette puissance, la Russie, la Suède et le Danemark. Pour que le plan conçu par la Russie contre l’Angleterre eût un plein succès, il fallait préluder par lui fermer les embouchures de l’Elbe et du Weser. Or, c’était au Danemark et à la Prusse qu’appartenait l’exécution de cette partie du plan. La cour de Copenhague ne recula point devant la gravité de la mesure ; mais Frédéric-Guillaume eut peur, à la seule pensée de s’emparer du Hanovre : non qu’il se souciât peu de cette acquisition, il la désirait au contraire passionnément ; mais il n’osait s’en saisir, dans la crainte de se mettre en guerre avec l’Angleterre. Il eût voulu concilier, ce qui était impossible, ses ménagemens pour cette redoutable puissance, sa cupidité qui l’appelait dans le Hanovre, et son rôle d’ami de la Russie et de la France. Le czar n’était pas d’humeur à se contenter d’un faux semblant d’alliance. La Prusse était entrée dans la ligue maritime ; il fallait qu’elle y prît sa part de périls comme d’avantages. Il la somma de s’emparer du Hanovre, la menaçant, si elle hésitait, de le faire occuper par ses propres troupes. Il fallut bien que le roi se résignât à frapper le grand coup : il fit entrer, le 3 avril 1800, un corps d’armée dans l’électorat, après avoir pris soin de faire comprendre à Londres qu’il ne prenait cette possession qu’en dépôt et pour empêcher les Russes et les Français d’y entrer. Cette condes-