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Sans entrer dans la question, délicate et irritante de savoir si, par l’établissement du monopole des soufres, un traité avait été violé, on a pu reconnaître sans inconvénient pour personne que le monopole n’avait été employé par la cour de Naples que comme un moyen d’imposer les soufres et d’en soumettre l’exploitation à certains règlemens de police. C’est là un but que le gouvernement de Naples, comme toute puissance indépendante et souveraine, a le droit d’atteindre. Mais le monopole n’est ni le seul, ni le meilleur moyen qu’on puisse employer à cet effet. Ainsi le gouvernement de Naples peut résilier le contrat passé avec la compagnie Taix sans diminuer ses droits d’état souverain, et l’Angleterre, satisfaite de la suppression du monopole et de l’assurance qu’il ne sera pas rétabli sous d’autres formes et d’autres noms, n’avait plus d’intérêt à voir qualifier d’une manière quelconque le fait du gouvernement napolitain.

Restait une question non moins délicate et fort grave d’ailleurs au point de vue des intérêts matériels : c’était la question des réclamations élevées par ceux des sujets anglais qui prétendaient avoir éprouvé des dommages par suite du monopole.

Il y avait là une double difficulté. Quel serait le juge de ces réclamations ? Sur quelles bases établirait-il son jugement ? Il est facile de comprendre que si l’équité la plus éclairée et la plus ferme n’eût pas présidé à la solution de ces deux questions, le gouvernement napolitain eût pu se trouver exposé à des demandes exorbitantes, à des réclamations sans fin.

L’intervention de la France a coupé court à ces difficultés. Le médiateur a proposé un arrangement que ne pouvait refuser l’équité bienveillante du roi de Naples envers les personnes qui avaient souffert du monopole. L’Angleterre s’est empressée d’adhérer aux propositions de la France.

Il n’y aura lieu à indemnité que pour ceux des sujets anglais qui prouveraient qu’ayant passé des marchés à livrer avant l’établissement du monopole, ils ont été mis hors d’état de tenir leurs engagemens, pour ceux qui, étant propriétaires et fermiers de mines, n’auraient pu extraire ou exporter les soufres que le montant de leur capital d’exploitation leur permettait d’obtenir ; enfin, pour ceux qui prouveraient avoir souffert des pertes appréciables et certaines pour n’avoir pu exporter, ou pour ne l’avoir pu qu’à des conditions plus onéreuses, les soufres qu’ils avaient achetés avant le monopole.

Ces trois catégories de réclamations seront jugées et liquidées par une commission ad hoc, siégeant à Naples. Elle sera composée de deux commissaires anglais, de deux commissaires napolitains, et d’un commissaire français, faisant fonctions de surarbitre et désigné d’avance par le gouvernement français.

Il serait difficile d’imaginer un accommodement plus équitable et qui pût davantage rassurer le gouvernement napolitain contre toute demande exagérée.

L’insurrection carliste en Espagne est aux abois. Privée de ses chefs, du comte d’Espagne, de Segarra, de Balmaseda, de Cabrera, réduite à quelques bandes de Catalogne, elle dégénérera bientôt en un brigandage local qu’aucune