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aurait besoin. Ce n’est pas un des moindres services qu’aura rendus à son pays M. Guizot dans la haute position qu’il occupe à Londres, que d’avoir puissamment contribué à décider le concours des capitalistes anglais dans nos entreprises de chemins de fer.

Nul doute pour nous que le ministère va mettre à profit l’intervalle des sessions pour achever l’étude de ces grandes questions d’intérêt matériel et préparer les projets que les chambres devront discuter à la prochaine session. Lorsqu’on songe à tout ce qu’il a fait depuis son entrée aux affaires, il y aurait parti pris et mauvaise grace à vouloir douter de l’activité et de la résolution du cabinet pour tous les projets que réclame encore l’intérêt national.

D’ailleurs, la présentation de ces projets est la meilleure réponse qu’il puisse faire à toutes les attaques dont il est l’objet. Les petites passions, qui ne cessent de s’agiter, se calmeront en présence du pays satisfait et des chambres promptement saisies et tout occupées de questions si importantes pour la prospérité générale et la grandeur de la France.

Au fond il n’y a aujourd’hui, chez les hommes qui n’appartiennent point aux opinions extrêmes, ni colères sérieuses ni antipathies profondes. Tels qui se détestaient hier s’embrassent aujourd’hui, le contraire arrivera peut-être demain. Il est des natures élevées qui s’affligent de ces liaisons comme de ces inimitiés improvisées. La vérité est que toutes les opinions qui sont ou qui aspirent sérieusement aux affaires sont les mêmes au fond ; il serait difficile de signaler, nous ne disons pas les différences, mais les nuances qui les séparent. On change d’amis ou d’adversaires politiques précisément parce que ces changemens n’impliquent ni changement d’opinion ni changement de parti. Un 221 se rapproche du 1er  mars sans rien abandonner de ses idées, et le 15 avril pourrait toucher la main au 12 mai sans lui imposer d’abjuration. C’est que tous veulent, et veulent franchement, la monarchie, la dynastie, la charte ; c’est que nul ne veut des réformes précipitées, exagérées, révolutionnaires ; c’est que nul n’entend mettre un veto absolu aux améliorations prudentes, successives, proportionnées à l’état réel du pays ; c’est, en un mot, que si l’on peut différer sur quelque moyen, on ne diffère point sur le but ; c’est que tout se réduit, en dernière analyse, à une question d’habileté, de bonne fortune, de situation politique, et nullement à une question de principes.

Les questions de principes donnent seules naissance à des partis opposés. Tant que des hommes politiques n’ont pas une formule à eux, un credo propre, clair, explicite, ils ne forment pas un parti séparé : ils ne sont qu’une fraction, une nuance d’un autre parti ; quelles que soient leurs querelles personnelles, ils ne peuvent se détacher définitivement du tout auquel ils appartiennent. Le 13 mars, le 11 octobre, c’est là un drapeau qu’on n’abandonne pas, quelle que soit la main qui l’élève. Seulement le nombre de ceux qui le suivent doit grossir, aujourd’hui que d’heureuses circonstances, que l’affermissement comme la modération de notre monarchie constitutionnelle permettent de faire de ce drapeau un signe de réconciliation et de paix, plutôt qu’un étendart de combats, aujourd’hui que même les amis ombrageux de la liberté