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part des monumens de Rome, motivaient seuls ces craintes, nous les regarderions comme fondées ; mais il est tels de ces messieurs qui font remonter la décadence à Raphaël et à Michel-Ange, et qui redoutent jusqu’à l’influence des ouvrages de ces sublimes corrupteurs du goût, de ces chefs de l’école matérialiste, comme ils disent. Libre à eux de spiritualiser l’art ; souhaitons néanmoins qu’ils le tiennent toujours à la portée des sens, car nous croyons fermement que la peinture, tout en plaisant à l’esprit, doit, avant tout, satisfaire les yeux ; souhaitons aussi que des artistes d’un vrai talent renoncent à ce fatal système d’exclusion qui rendrait inféconds de beaux germes que le souffle vivifiant de la liberté peut seul développer : qu’ils songent bien qu’ils tiennent entre leurs mains l’avenir de la peinture en Italie, et qu’ils se hâtent de se départir d’un rigorisme mesquin qui, au lieu des restaurateurs de l’art, ne ferait d’eux que les cruscante de la peinture.

Les novateurs florentins se sont donc éloignés de Rome avec le même empressement que d’autres mettent à s’en rapprocher ; la dégradation qui afflige l’art de la peinture dans cette ville, où jadis il était si florissant, pourrait seule leur servir d’excuse. Cette dégradation est inimaginable, et l’on ne peut s’en former une juste idée qu’en parcourant les salles nouvelles du Vatican, en voyant à quels hommes il a été donné de continuer l’œuvre de Raphaël. Les salles de la bibliothèque sont le monument le plus curieux de ce genre.

Ces salles sont décorées d’arabesques, et de peintures à fresque représentant les principaux évènemens qui ont signalé la vie si agitée du pape Pie VII. Le sujet, comme on voit, ne manquait ni d’intérêt ni de grandeur ; l’artiste chargé de ce travail n’a trouvé là qu’une occasion de couvrir les murailles d’une suite de ridicules compositions bonnes tout au plus à servir d’enseignes au spectacle de Cassandrino. Ordonnance, dessin, coloris, tout est à l’avenant, et les allures de ces petits personnages d’un pied ou deux de haut sont tellement comiques, qu’il est impossible de ne pas éclater de rire devant les scènes les plus sérieuses d’un drame où un pape joue le premier rôle. Le très faible plafond de Raphaël Mengs, qui orne une de ces salles, gagne tellement à ce voisinage, qu’on le prendrait pour un chef-d’œuvre.

Les fréquentes expositions de peintures modernes qui ont eu lieu dans cette métropole des arts offrent un spectacle d’un autre genre, mais non moins singulier. L’hiver dernier, par exemple, nous vîmes à la porte du Peuple l’une de ces expositions payantes, au profit