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LA PEINTURE ET LA SCULPTURE EN ITALIE.

relâchement singulier, tous avaient beaucoup péché dans leur jeunesse, et avaient, sinon des crimes, du moins des fautes à se faire pardonner. Ils bâtissaient donc des chapelles et des églises qu’ils ornaient magnifiquement. Ces fondations remplaçaient chez les chrétiens les sacrifices expiatoires du paganisme. Les gens riches de la bourgeoisie imitèrent l’exemple des patriciens et des dignitaires de l’église. Au lieu d’immoler cent bœufs noirs sur l’autel des dieux infernaux, ils commandaient de belles statues ou de précieux tableaux qu’ils plaçaient dans l’église nouvellement bâtie. Les motifs et le but étaient semblables, le résultat fut différent. Le crime et ses expiations profitèrent surtout à l’art, et de ces sacrifices d’un nouveau genre il resta autre chose que la cendre des bûchers et les ossemens des victimes.

Les profanes et les incrédules, car il y en eut de tout temps, secondaient d’une autre manière ce mouvement de fécondation. Chez eux, la vanité remplaçait la foi. Un banquier qui avait fait fortune élevait un palais qu’il décorait avec une magnificence royale. C’est à cette époque qu’Agostino Chigi fait construire le joli casin de la Farnésine et choisit Raphaël pour le décorer. Ainsi le vaniteux caprice d’un banquier nous a légué les charmantes fresques de Psyché et de la Galathée.

De nos jours, il y a peut-être autant de bons croyans en Italie que du temps de Raphaël ; mais la plupart de ceux qui croient sont pauvres, et les riches n’ont pas trop de leur superflu pour empêcher les autres de mourir de faim. L’époque est aussi plus raisonnable. On l’a dit depuis long-temps, Luther a tué les arts en tuant les abus. On ne fait plus que de rares folies : les classes supérieures de la société s’observent, sont rangées, et au lieu des crimes et des gros péchés d’autrefois, elles n’ont que des peccadilles à expier. Il n’y a plus en effet que les pauvres diables qui empoisonnent ou qui tuent ; le crime a perdu sa grandeur, a dérogé et s’est fait peuple.

D’un autre côté, si la vanité a toujours son empire, elle est impuissante à créer les mêmes prodiges. Il y a bien encore dans Rome quelque riche Agostino Chigi qui bâtit des palais et dépense fort libéralement son immense fortune ; mais le faste, plutôt qu’un goût délicat, préside à la décoration de ces édifices. Est-ce la faute du fondateur ? Ne serait-ce pas plutôt une triste nécessité de l’époque ? Où trouver un Raphaël pour les orner de ses chefs-d’œuvre ?

La peinture, en effet, est à peu près morte en Italie ; Camuccini à Rome, Benvenuti à Florence, Appiani, Bossi et Sabatelli à Milan,