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lettre et rechercher l’esprit ainsi que les origines de l’article de la charte, disons seulement que nul ne songe à enlever à la chambre élective ce qu’elle regarde, sur le fondement d’une pratique de vingt-cinq ans, comme un de ses droits, comme sa prérogative la plus importante. C’est une voie où la chambre des pairs ne voudrait pas, et avec raison, s’engager ; c’est s’affaiblir que d’user ses forces à saisir des droits contestables. La chambre des pairs veut maintenir, avec la vigueur et la dignité qui lui appartiennent, ses prérogatives reconnues, ses droits incontestés.

L’état des partis ne s’est pas modifié dans la quinzaine qui vient de s’écouler. Les députés rentrant dans leurs foyers, commence maintenant ce travail local, cette communication intime entre le député et ses électeurs, dont il est toujours difficile, même aux plus habiles, de prévoir toutes les conséquences avec quelque exactitude. Les députés qui ont interrompu leurs longues habitudes ministérielles, comme les députés de la vieille opposition qui prêtent aujourd’hui leur appui au ministère, auront à s’expliquer avec leurs commettans. Ici le député convaincra les électeurs de la sagesse de sa conduite ; ailleurs les électeurs réagiront peut-être sur le député.

Au surplus, les députés qui ont soutenu le ministère pourront parler avec quelque orgueil des résultats de la session. Des lois importantes vont donner une nouvelle impulsion à la prospérité matérielle du pays. La navigation intérieure perfectionnée, l’exploitation du sel ramenée partout au droit commun, les chemins de fer en voie d’exécution soutenus, et de nouvelles entreprises autorisées, aidées, encouragées ; la question des sucres terminée d’une manière équitable ; le grand établissement de la Banque de France mis à même, par la certitude de son avenir, de rendre au commerce des services de plus en plus importans ; enfin nos relations commerciales avec le Nouveau-Monde secondées et étendues par plusieurs lignes de paquebots transatlantiques : ce sont là des faits importans qui honorent cette session et témoignent de l’active habileté du cabinet qui a pu, dans le peu de temps que lui ont laissé les discussions politiques et les difficultés de tout début, imprimer aux affaires une si puissante impulsion.

Nous sommes convaincus que la chambre des pairs n’hésitera pas à donner son suffrage aux projets que le ministère lui a présentés en dernier lieu.

En rejetant le remboursement de la rente, malgré le vote réitéré de l’autre chambre et les efforts du ministère, comme en confirmant à une très grande majorité le privilége de la Banque, malgré l’opposition presque unanime de la presse, la chambre a suffisamment prouvé que rien ne peut la détourner de ce qui lui paraît bon, utile, équitable. Nous nous plaisons à rendre hommage à son indépendance, quelle que soit d’ailleurs notre opinion sur la question de la rente.

Le même sentiment d’indépendance lui fera adopter des lois que le pays attend avec une juste impatience. On aura beau lui dire que le départ des députés lui ôte toute liberté, qu’on a voulu la placer sous le joug de la nécessite. La chambre sait qu’il n’en est rien, qu’il serait parfaitement libre à elle