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COLOMBA.

pas, Orso, qu’on est bien dans le maquis, au bivouac, par une belle nuit comme celle-ci ?

— Oh oui ! la belle nuit, dit Orso. Je ne l’oublierai jamais !

— Que vous devez souffrir ! dit miss Nevil.

— Je ne souffre plus, dit Orso, et je voudrais mourir ici. — Et sa main droite se rapprochait de celle de miss Lydia que Colomba tenait toujours emprisonnée.

— Il faut absolument qu’on vous transporte quelque part où l’on pourra vous donner des soins, monsieur della Rebbia, dit miss Nevil. Je ne pourrai plus dormir, maintenant que je vous ai vu si mal couché… en plein air…

— Si je n’eusse craint de vous rencontrer, miss Nevil, j’aurais essayé de retourner à Pietranera, et je me serais constitué prisonnier…

— Eh ! pourquoi craigniez-vous de la rencontrer, Orso ? demanda Colomba.

— Je vous avais désobéi, miss Nevil… et je n’aurais pas osé vous voir en ce moment.

— Savez-vous, miss Lydia, que vous faites faire à mon frère tout ce que vous voulez, dit Colomba en riant. Je vous empêcherai de le voir.

— J’espère, dit miss Nevil, que cette malheureuse affaire va s’éclaircir, et que bientôt vous n’aurez plus rien à craindre… Je serai bien contente si, lorsque nous partirons, je sais qu’on vous a rendu justice et qu’on a reconnu votre loyauté comme votre bravoure.

— Vous partez, miss Nevil ! Ne dites pas encore ce mot-là.

— Que voulez-vous… mon père ne peut pas chasser toujours… Il veut partir.

Orso laissa retomber sa main qui touchait celle de miss Lydia, et il y eut un moment de silence.

— Bah ! reprit Colomba, nous ne vous laisserons pas encore partir. Nous avons encore bien des choses à vous montrer à Pietranera… D’ailleurs, vous m’avez promis de me faire mon portrait, et vous n’avez pas encore commencé… Et puis, je vous ai promis de vous faire une serenata en soixante-quinze couplets… Et puis… Mais qu’a donc Brusco à grogner ?… Voilà Brandolaccio qui court après lui… Voyons ce que c’est.

Aussitôt elle se leva, et posant sans cérémonie la tête d’Orso sur les genoux de miss Nevil, elle courut auprès des bandits.

Un peu étonnée de se trouver ainsi soutenant un beau jeune homme, en tête-à-tête au milieu d’un maquis, miss Nevil ne savait trop que faire,