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des montagnards du Tyrol sous André Hofer, montrèrent que la haine de la domination impériale couvait au fond de bien des cœurs, et n’attendait, pour faire explosion, qu’une occasion favorable. Mais les revers de l’Autriche arrêtèrent le mouvement qui commençait, et le pouvoir de Napoléon parut plus fort et mieux établi que jamais. Le traité de Vienne, ou plutôt de Schœnbrunn (14 octobre 1809), enleva à la monarchie autrichienne plus de deux mille milles carrés et de trois millions de sujets. Napoléon eut les provinces illyriennes, qui ne furent point réunies au royaume d’Italie, mais formèrent un état à part ; la Bavière s’enrichit de Salzbourg et de quelques districts voisins ; la Gallicie occidentale fut réunie au grand-duché de Varsovie ; une partie de la Gallicie orientale fut donnée à la Russie. L’Autriche, diminuée de plus d’un sixième, rejetée au-delà des Alpes, privée de toute communication avec la mer, se trouva ainsi réduite à son tour au rang de puissance du second ordre.

L’année suivante, Napoléon, à l’apogée de sa puissance et devenu l’époux d’une archiduchesse d’Autriche, fit encore sentir à l’Allemagne septentrionale les effets de cette inquiétude d’esprit qui le poussait à bouleverser sans cesse ses propres créations. Après avoir détrôné son frère Louis qui avait montré quelques velléités d’indépendance, et incorporé la Hollande à son empire, comme étant une alluvion des fleuves français, il réunit encore à la France toute la partie de l’Allemagne située le long de la mer du Nord (13 décembre 1810). Cette mesure privait de leurs états quatre princes souverains, mettait fin à l’indépendance des villes hanséatiques, et enlevait au royaume de Westphalie des portions notables de son territoire. Ce fut la dernière modification apportée à l’œuvre déjà tant remaniée de la confédération du Rhin : l’heure approchait où l’édifice colossal de l’empire allait s’écrouler tout entier en moins de temps encore qu’il n’en avait fallu pour l’élever.

Il semblait qu’une puissance mystérieuse forçât Napoléon d’aller toujours en avant, et ne lui permît pas de se reposer dans ses triomphes ; il lui fallait toujours soutenir ses conquêtes par d’autres conquêtes, compléter ses entreprises par des entreprises nouvelles. C’est ainsi que l’asservissement de l’Allemagne et le système continental le poussèrent à la guerre de Russie, où il entraîna avec lui malgré elles la Prusse, l’Autriche et la confédération du Rhin. Personne n’ignore quelle en fut l’issue : on sait comment l’incendie de Moscou le força à la retraite, et comment un hiver précoce anéantit l’une des plus belles et des plus nombreuses armées qu’il eût jamais mises