Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 22.djvu/956

Cette page a été validée par deux contributeurs.
952
REVUE DES DEUX MONDES.

Napoléon à diverses stipulations de ce traité. Écrasée par l’occupation française qui fut prolongée jusqu’à la fin de 1808, ruinée par une contribution de guerre exorbitante, forcée de réduire son état militaire à quarante-deux mille hommes et d’ouvrir à travers ses provinces des routes stratégiques et commerciales pour les troupes de la confédération du Rhin et les marchandises françaises, elle eut à subir toutes les humiliations et toutes les vexations que peut inventer le ressentiment d’un vainqueur irrité ; pourtant ses souffrances lui furent utiles, parce qu’au lieu de l’accabler, elles réveillèrent chez elle le patriotisme et l’énergie. La guerre était à peine finie que le gouvernement prussien s’occupait de réparer les maux qu’elle avait causés et de rouvrir les sources de la prospérité publique. Des hommes d’une haute capacité furent placés à la tête des affaires, et s’appliquèrent avec un zèle et une activité admirables à préparer au pays un meilleur avenir. Les anciennes institutions militaires, dont la campagne de 1806 avait démontré l’insuffisance, furent complètement remaniées. Scharnhorst réorganisa l’armée et la remit sur un pied respectable, mais cela se fit sans bruit, presque en secret, et avec les précautions nécessaires pour ne pas éveiller la défiance de Napoléon. Le baron de Stein changea le système général de l’administration de manière à lui donner une vigueur et une unité qu’elle n’avait pas auparavant ; il modifia notablement les lois qui régissaient la propriété territoriale, et donna aux villes une nouvelle existence. Il y avait une noble hardiesse à se lancer ainsi dans une large voie d’améliorations et de réformes lorsqu’on était encore sous le coup d’immenses désastres, et avant même que l’occupation étrangère eût cessé de peser sur le pays ; mais l’ame ardente et énergique du baron de Stein rêvait déjà l’affranchissement de sa patrie, et il ne pensait pas qu’il fût trop tôt pour travailler à le préparer. Il s’efforça de relever l’esprit public non seulement en Prusse, mais dans toute l’Allemagne, en encourageant tous ceux qu’animait une haine commune contre l’oppression à s’organiser en sociétés secrètes, et à se tenir prêts pour le moment où l’on pourrait enfin tenter de secouer le joug. Emporté par son brûlant patriotisme, il ne sut pas envelopper d’assez de mystère ses efforts et ses espérances, et devint suspect au gouvernement français, qui exigea son renvoi du roi de Prusse. Sa destitution fut bientôt suivie d’un décret de proscription lancé par Napoléon contre le nommé Stein, comme ennemi de l’Allemagne et de la confédération du Rhin. Forcé de quitter la Prusse, il se réfugia d’abord en Autriche, puis en Russie ; mais il ne cessa pas de travailler à susciter des ennemis au tout puis-