Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 22.djvu/955

Cette page a été validée par deux contributeurs.
951
ÉTUDES SUR L’ALLEMAGNE.

de l’Europe. Les Français prirent une éclatante revanche de la défaite de Rosbach ; l’armée prussienne fut anéantie à la bataille d’Iéna, et treize jours plus tard Napoléon entra à Berlin, d’où il lança contre l’Angleterre le fameux décret qui établissait le système continental. Les Russes accoururent au secours de leurs alliés, et une nouvelle lutte s’engagea dans les plaines de la Pologne et sur les bords de la mer Baltique ; mais la victoire resta fidèle aux armes françaises, et la campagne de 1807 fut glorieusement terminée par la bataille de Friedland, qui eut pour conséquence le traité de Tilsitt (9 juillet 1807).

Napoléon usa durement de la victoire, et il fit payer cher à la Prusse l’illusion qui l’avait portée à se mesurer avec lui. Non content d’enlever à Frédéric-Guillaume III la moitié de ses états, il se fit un plaisir de l’humilier, en déclarant qu’il ne lui laissait l’autre moitié qu’en considération de l’empereur de Russie. La plus grande partie de la Prusse polonaise fut érigée en grand-duché de Varsovie et donnée au roi de Saxe ; le reste fut attribué à la Russie, qui s’enrichit sans scrupule des dépouilles de son alliée et qui livra en échange à la France Cattaro, Raguse et les îles Ioniennes. En Allemagne, la Prusse perdit toutes ses possessions situées entre l’Elbe et le Rhin, qui, jointes à la Hesse, au duché de Brunswick et à une portion du Hanovre, devaient former le royaume de Westphalie, créé par Napoléon au profit de son frère Jérôme. La maison de Brunswick cessa de régner, parce que son chef avait accepté le commandement de l’armée prussienne ; celle de Hesse, « pour s’être toujours montrée ennemie de la France, et pour avoir pris dans la dernière guerre une position équivoque. » La Prusse et la Russie reconnurent toutes les souverainetés créées par Napoléon, et accédèrent au système continental. Le nouveau roi de Westphalie entra dans la confédération du Rhin aussitôt après sa nomination ; un peu plus tard les seuls princes allemands qui n’en fissent pas partie[1] furent obligés de s’y réunir, de sorte qu’elle embrassa toute l’Allemagne, à l’exception des provinces prussiennes et de celles qui appartenaient aux rois de Suède et de Danemark.

La Prusse, déchue du rang qu’elle avait occupé jusqu’alors parmi les puissances européennes, eut encore beaucoup à souffrir des conséquences du traité de Tilsitt et de l’extension arbitraire donnée par

  1. L’électeur de Salzbourg, devenu grand-duc de Wurzbourg, en était membre depuis le 15 septembre 1806 ; l’électeur de Saxe s’y était joint pendant la guerre en prenant le titre de roi. Son exemple avait été suivi un peu plus tard par les petits princes de l’Allemagne centrale.