Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 22.djvu/949

Cette page a été validée par deux contributeurs.
945
ÉTUDES SUR L’ALLEMAGNE.

attendu le renversement des souverains héréditaires et la domination exclusive de la bourgeoisie, avait produit en Allemagne le résultat opposé, puisqu’elle y avait détruit la plupart des républiques bourgeoises et renforcé la puissance des princes. « Même la suppression des états ecclésiastiques, ajoute-t-il, pouvait paraître à plusieurs égards une victoire pour les adversaires des idées et des formes favorisées par la révolution ; car dans tous ces états le pouvoir des souverains était limité par des formes constitutionnelles. Dans tous, le pouvoir était électif et accessible à des hommes qui n’étaient pas nés princes, puisque, dans les anciens temps au moins, on avait vu des fils de charrons ou de forgerons devenir princes-évêques ou électeurs. »

Si l’on juge en elle-même l’abolition des souverainetés ecclésiastiques, il faut reconnaître que c’était une mesure inique à l’appui de laquelle on ne pouvait présenter aucun principe de droit public. Au point de vue de l’équité, les pertes imposées à l’empire par les victoires de la France auraient dû être supportées en commun par tous les membres du corps germanique, car tous étaient solidaires, et la constitution n’établissait aucune différence entre le droit des laïques et celui des ecclésiastiques. La spoliation de ces derniers ne se faisait pas dans l’intérêt des populations et d’après leur vœu, car personne ne songeait à les consulter. Ce n’était pas un sacrifice fait à l’unité et à l’indépendance de l’Allemagne, puisque ceux-là surtout en profitaient qui avaient les premiers séparé leur cause de la cause commune, et dont la conduite prouvait que le mot de patrie allemande était pour eux un mot vide de sens. Il n’y avait point de prétexte spécieux à alléguer : il ne s’agissait pas du salut de la nation, mais de l’intérêt particulier de quelques princes qui, pour augmenter leur puissance, avaient fait l’étranger arbitre des destinées de l’empire, et s’étaient appuyés sur lui pour faire tourner à leur profit les pertes de la communauté. C’était, après tout, l’application à l’Allemagne des principes qui avaient présidé au partage de la Pologne, avec cette différence que ce qui avait été fait dans ce dernier pays par trois puissances étrangères, était exécuté en Allemagne par des souverains allemands. Est-il besoin de dire que, quoiqu’on eût conservé les formes extérieures de l’empire, ses membres, devenus moins nombreux, n’en étaient que plus divisés de sentimens et d’intérêts, son chef plus isolé et plus impuissant que jamais ; que rien ne pouvait plus désormais faire revivre cette confiance, cette foi réciproque, cette disposition à se secourir mutuellement, sans lesquelles une constitution fédérative n’est qu’un mensonge et un vain simulacre ? Chose singulière, les grands changemens