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prussiennes situées sur la rive droite du Rhin, et à accueillir les bons offices du roi en faveur des princes et états de l’empire germanique qui désireraient entrer directement en négociation avec elle, et qui, pour cet effet, avaient déjà réclamé ou réclameraient encore l’intervention du roi. Cet article, suivant l’expression d’un publiciste[1], donnait le signal du sauve qui peut aux princes allemands, et les plaçait sous la protection de la Prusse. Une convention additionnelle, signée six semaines plus tard, conféra à cette puissance le protectorat de l’Allemagne du nord, en déclarant neutres tous les pays compris au-delà d’une ligne de démarcation qui renfermait les cercles de Westphalie, de haute et basse Saxe avec une partie de la Franconie et des deux cercles du Rhin ; cet arrangement assura contre toute attaque les frontières septentrionales de la France. C’était un véritable schisme dans l’empire, dont une moitié s’assurait les bienfaits de la paix, tandis que l’autre continuait à supporter tout le fardeau de la guerre. La Prusse trahissait encore plus formellement les intérêts de l’Allemagne dans les articles secrets du traité de Bâle où elle se faisait garantir une indemnité à sa convenance dans le cas où la république porterait ses limites jusqu’au Rhin, sacrifiant ainsi d’avance l’intégrité de l’empire germanique. Le gouvernement français comprit toute la portée des concessions que lui faisait le cabinet de Berlin, et Rewbell, faisant son rapport à la convention au nom du comité de salut public, s’exprima à ce sujet en termes très significatifs[2].

La paix de Bâle fit un grand effet en Europe, et elle y fut en général sévèrement jugée. L’Autriche et les états de l’Allemagne méridionale se plaignirent vivement de cet abandon de la cause commune. Ils faisaient ressortir tout ce qu’il y avait de scandaleux à voir des membres du corps germanique abjurer ouvertement les devoirs que leur imposait cette qualité, mépriser les réquisitions de la diète, refuser leur secours à l’empereur et à l’empire, et séparer solennellement leurs intérêts de ceux de la communauté ; ils rapprochaient

  1. Gagern. mein Antheil an der Politik, t. I, p. 60.
  2. « Nous n’avons pas oublié un instant, dit-il, que si les vœux du peuple français étaient pour la paix, ce ne pouvait être que pour une paix glorieuse qui ne pût compromettre la dignité, ni blesser les intérêts de la république. Il fallait aussi lier par son propre intérêt au maintien de la paix ce gouvernement qui reprenait des sentimens d’amitié qu’il n’aurait jamais dû rompre. Nous nous y sommes portés d’autant plus volontiers, que toutes les relations prouvent que la nation prussienne n’a laissé échapper aucune occasion, dans tout le cours de cette guerre, de nous donner des témoignages d’affection et d’estime qu’un intérêt malentendu n’avait pu parvenir à altérer. »