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LES MISSISSIPIENS.

BOURSET, éperdu.

Laissez-moi !… Ah !… c’est vous !… Julie… Louise… donnez-moi de l’eau !… Là !… là !… (Il montre une table.)

(Louise lui apporte précipitamment un verre d’eau.)
BOURSET

Oui… je suis mieux… c’est cela… Écoute, Louise… Non ! écoutez, vous… Julie… Freeman est là-dedans… il parle !…

JULIE.

Eh bien !… que dit-il donc ?

BOURSET.

Il nous perd, il nous ruine, il nous déshonore !…

LOUISE.

Lui ! Oh ! c’est impossible, mon père ; vous ne le connaissez pas.

BOURSET, avec âcreté.

Il t’aime, ou plutôt il veut t’épouser parce que tu es riche et parce qu’il est ambitieux, et parce qu’il est pauvre ; et moi, je lui ai résisté, parce que je veux ton bonheur et ta considération… Et maintenant, il se venge, il me traîne à terre, il me calomnie…

LOUISE.

Oh ! maman !… dites à mon père qu’il se trompe… Cela n’est pas !…

JULIE.

Oh ! Léonce pousserait-il la haine et la vengeance à ce point ?

BOURSET.

Léonce ? Qui est Léonce ?…

JULIE.

Rien !… un souvenir… une distraction ! Mais ne peut-on enchaîner sa langue ? Rentrez, défendez-vous. Pourquoi abandonnez-vous la lutte ? Allons, ne faiblissez pas… parlez à votre tour…

BOURSET.

Non… La colère… l’indignation me suffoquent… Julie, appelez-le, arrachez-le comme vous pourrez à cet auditoire imbécille qu’il captive. Louise… sur un prétexte quelconque, entrez là… montrez-vous ! D’un mot, d’un regard, vous pourrez l’enchaîner, vous !… Allez ! l’honneur de votre père est en péril !… Ayez un peu de courage… Vous êtes deux femmes, vous pouvez beaucoup…

JULIE, arrêtant Louise qui obéit instinctivement et toute tremblante.

Restez là, ma fille ! et vous, monsieur, rougissez de vouloir exposer votre enfant à la malignité des hommes pour sauver de vils intérêts.

BOURSET.

Oh ! maudites soyez-vous ! femmes sans cœur qui savez vous enorgueillir et vous parer de nos triomphes, et qui ne savez pas nous aider et nous plaindre dans nos revers !… (Il se lève et va avec agitation écouter à la porte du cabinet) Il ne m’accuse pas encore… non !… Mais il dévoile le secret de l’affaire !… Oh !