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nant depuis la guerre de trente ans et le traité de Westphalie. Le pouvoir des princes s’était accru à leurs dépens comme aux dépens de l’empereur et de l’empire[1], et ils avaient perdu successivement leurs prérogatives les plus importantes ; quelquefois même ils avaient tout-à-fait disparu. Leur influence presque partout avait fait place à la prépondérance des courtisans ou à celle d’une hiérarchie de fonctionnaires publics.

Les villes impériales étaient états d’empires et jouissaient de la supériorité territoriale et de tous les droits qui y étaient attachés. Elles avaient joué un grand rôle dans le moyen-âge, au temps de la ligue hanséatique et de la confédération des villes rhénanes ; mais, depuis le XVIe siècle, elles n’avaient fait que déchoir. Leur prospérité commerciale avait notablement diminué par suite de la prépondérance maritime de la Hollande et de l’Angleterre ; leur importance politique avait décliné avec leurs richesses, et la jalousie des princes qui se souvenaient du temps où ils trouvaient en elles de puissantes rivales, avait tout fait pour les réduire à une position subalterne. Elles étaient au nombre de cinquante-une, formant autant de petites républiques qui se gouvernaient comme elles l’entendaient, sauf leur dépendance, peu incommode, de l’empereur et de l’empire. La plupart avaient des constitutions aristocratiques et étaient soumises au joug d’un patriciat bourgeois fort exclusif.

Le tableau des institutions de l’empire germanique serait incomplet si l’on n’ajoutait quelques mots sur la noblesse immédiate, appelée chevalerie d’empire (Reichsritterschaft), qui, sans avoir jamais pu obtenir voix et séance à la diète, possédait une existence tout-à-fait indépendante, puisque ses membres ne reconnaissaient d’autre suzeraineté que celle de l’empereur. Les gentilshommes immédiats jouissaient, soit comme individus, soit comme corps, des prérogatives les plus essentielles attachées à la supériorité territoriale. Ils formaient trois cercles : celui de Franconie, celui de Souabe et celui du Rhin ; ces trois cercles se subdivisaient en quatorze cantons équestres (Rittercantone), comprenant plus de quinze cents petits fiefs.

Nous en avons assez dit pour que nos lecteurs puissent se faire une idée de tout ce qu’il y avait d’irrégulier et de bizarre dans la constitution de l’empire, et ils ne s’étonneront pas de l’embarras où

  1. L’empereur François Ier, dans sa capitulation (art. XV), s’engage à ne pas souffrir les usurpations des états provinciaux au détriment du seigneur territorial. Pourtant le pouvoir des princes à cette époque (1745) était peu menacé de ce côté.