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MORT DU COMTE D’ESPAGNE.

laquelle on le fit monter, et l’on se mit en route. Il partit accompagné du vice-président de la junte, don Jacinto Orteu, du chanoine don Mateo Sanpons, du prêtre don Narciso Ferrer, de son frère le chirurgien de l’hôpital militaire, de l’étudiant Fransech del Pual, et du chef de l’escorte, don François Llabot dit Carragolet, avec seize gendarmes. On prit la direction de la maison dite Hostal de la Rivera, auberge distante de quatre lieues de Berga, où le cortége passa le reste de la nuit, gardant à vue son prisonnier et le privant de lit et de feu.

Au moment même ou l’on chargeait le comte sur sa mule à la porte de l’église, l’intendant Labandero sortait par la porte opposée et courait à Berga, avec mission de s’emparer de tous les papiers du comte et des effets qui se trouveraient dans sa maison. Les portes de Berga se fermaient à l’approche de la nuit ; mais le gouverneur de cette place, Burjo, initié à la conjuration, attendait impatiemment à l’une d’elles le résultat du premier acte du complot. Burjo fit entrer l’intendant en secret, et tous deux s’acheminèrent ensemble vers la maison du comte. Il était alors plus de onze heures. La garnison et les habitans dormaient profondément. Après la saisie des papiers, on s’occupa d’assurer le succès de ce qui restait à faire.

Les portes de Berga s’ouvraient tous les jours presque au crépuscule après la diane. Le 27 octobre, elles étaient encore fermées à dix heures du matin. Les habitans et la garnison ne savaient comment expliquer cette nouveauté autrement que par l’approche de quelque corps de l’armée de Christine. Les bataillons nos 7, 14 et 20, qui composaient la garnison, étaient fermement attachés au comte d’Espagne. Les conjurés n’étaient pas sans craindre un soulèvement si on apprenait ce qui s’était passé la veille, et ils résolurent de consigner les bataillons dans les murs de Berga et au château, jusqu’à ce qu’ils pussent appuyer par d’autres forces leurs dispositions ultérieures.

Il était environ dix heures et demie lorsqu’on entendit en dehors de Berga battre plusieurs tambours. C’était le 10e bataillon commandé par don Antonio Rius, initié à la conjuration, auquel on ouvrit les portes. À la tête de ce bataillon marchaient le brigadier don José Ségarra, chef de l’état-major-général de l’armée et second du comte d’Espagne, et le colonel don Miguel Pons, mieux connu par son sobriquet d’El-Bep-al-Oli.

Le bataillon no 10, à son entrée à Berga, resta sous les armes, et le brigadier, don José Ségarra, se fit reconnaître comme commandant-général de l’armée de Catalogne, supposant à cet effet un ordre royal de don Carlos ; il eut pour remplaçant, comme chef d’état-major,