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MORT DU COMTE D’ESPAGNE.

de Avià, contiguë à l’église et située hors du bourg. La salle des séances se trouvait au premier étage, qui servait d’habitation au curé. Cette salle était assez grande, avec une alcôve dans le fond. Outre son escalier principal, la maison avait pour la commodité du curé, un petit escalier étroit conduisant à l’église. Il n’y avait d’autre force armée dans tout le bourg de Avià que quelques gendarmes qui formaient l’escorte de la junte.

Le comte, en descendant de cheval, à la porte, dit à son secrétaire Adell de se trouver là sur les neuf heures pour repartir, et, accompagné de l’intendant, il monta à la salle des séances. Les gendarmes qui l’avaient escorté se placèrent au rez-de-chaussée, comme d’habitude, et les six cosaques se dirigèrent sur la maison du village qui leur était désignée pour mettre pied à terre et soigner leurs chevaux.

À son entrée dans la salle, le comte trouva le brigadier Orteu, vice-président de la junte, et quelques membres se tenant debout, qui le saluèrent avec les plus grandes démonstrations de respect et de soumission, le suppliant d’avoir la bonté d’attendre quelques minutes pour donner le temps de faire appeler les membres qui manquaient. On entama familièrement la conversation, et presqu’au même instant le chanoine Torrebadella et le curé Ferrer, membres de la junte, sortirent de la salle. Le comte dut naturellement penser que c’était pour aller avertir les membres absens. Après une courte conférence sur l’escalier, Torrebadella rentra, et Ferrer descendit au rez-de-chaussée à la tête des gendarmes qui formaient la garde de la junte, commandés par don Francisco Llabot dit Caragolet. Il fit comparaître devant lui les deux chefs de l’escorte du comte, nommés La Mota et Pallarès, et leur intima l’ordre, au nom de son excellence le comte d’Espagne, commandant-général, de livrer leurs armes et de se constituer prisonniers. Ceux-ci, qui n’avaient rien à se reprocher, témoignèrent leur étonnement ; mais, réfléchissant au caractère étrange et plein de boutades du comte et ne soupçonnant aucune trahison de la part d’un membre de la junte, ils obéirent sans résistance, et furent gardés à vue dans la cave de la maison.

Ferrer ordonna ensuite aux gendarmes de l’escorte du comte de se rendre dans deux maisons de campagne isolées l’une de l’autre, qu’il leur indiqua, et de n’en pas bouger. Ils obéirent tranquillement, se divisèrent en deux escouades et prirent des directions opposées pour arriver aux points signalés, où des mesures étaient prises d’avance pour les surveiller. Un ordre semblable fut donné aux six cosaques, lesquels montèrent à cheval et se dirigèrent sur une autre maison de campagne. Ainsi débarrassé de tous les hommes qui formaient la garde