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on cherchait, par tous les moyens, à y attirer le comte pour l’exécution de l’horrible projet conçu contre lui, et voici comment on y réussit.

Les séances de la junte étaient quotidiennes, mais le comte n’allait les présider que lorsqu’il voulait proposer ou appuyer quelques mesures contre le vœu de ses membres. Depuis quelque temps, il avait prié Labandero, intendant de l’armée, de se concerter avec la junte sur le moyen de donner aux troupes, le 4 novembre, pour célébrer la fête du roi don Carlos, une ration double et une gratification d’un demi-mois de solde au moins. L’intendant feignit de s’occuper de cette affaire, et toutes les fois que le comte lui en parlait, il répondait qu’on travaillait à réunir l’argent nécessaire, mais que la solution complète dépendait de la junte, et notamment de la section de comptabilité.

Bien que le comte ne reçût personne depuis son retour à Berga, il admettait toutefois l’intendant. Celui-ci, d’accord avec les conjurés, grossissait la difficulté de recueillir pour le 4 novembre la somme considérable qui était nécessaire, sans que le service ordinaires des vivres et du matériel eût à en souffrir, et il engageait le général à aller présider la junte, pour vaincre par son autorité les résistances que ce corps opposait. Le comte ne voulut pas d’abord céder aux instances de Labandero, alléguant que son intervention personnelle dans cette affaire lui paraissait inutile. Labandero ne se rebuta pas et revint plusieurs fois à la charge. Enfin, le 26 octobre, il trouva le comte à son heure fatale… Il lui exposa qu’une partie des contributions réunies pour former la somme demandée ayant déjà reçu, d’après les instructions en vigueur, une autre destination, il n’avait pu vaincre les scrupules de la junte, et particulièrement de la section de comptabilité, mais que, suivant ce qu’il avait remarqué dans la discussion, la présence du comte ferait infailliblement cesser toutes ces hésitations. Il ajouta qu’il n’y avait pas de temps à perdre et supplia le comte de se rendre dans la soirée même à la junte avec lui, afin d’en finir une fois pour toutes.

Ce fut donc vers les six heures et demie du soir, le 26 octobre, et par conséquent à l’entrée de la nuit, que le comte d’Espagne, revêtu de son grand uniforme, accompagné de l’intendant Labandero, de son secrétaire don Louis Adell, et de l’escorte ordinaire composée de quelques gendarmes et de six cosaques montés, sortit de Berga et se dirigea vers Avia. Il était de très belle humeur, et, durant le trajet, il ne cessa pas de parler et de plaisanter…

La junte tenait ses séances dans le presbytère ou maison curiale