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MORT DU COMTE D’ESPAGNE.

avaient paru effacés pendant cinq ans, mais ils dormaient au fond des cœurs, car on oublie peu en Espagne, et ils se réveillèrent tout à coup, dès que la défiance qu’inspirait le comte put trouver une occasion de se manifester.

La convention de Bergara une fois signée, le comte d’Espagne ne devait pas se faire illusion. Il devait prendre promptement son parti, déposer le commandement de l’armée carliste en Catalogne et se réfugier en pays étranger, ou, s’il persistait à garder son commandement, soit qu’il voulût transiger comme Maroto, soit qu’il voulût continuer la guerre, exterminer sans retard tous les chefs du parti apostolique catalan. Comment ne l’a-t-il pas fait ? C’est ce qu’il est bien difficile de savoir. Certes, ce n’est pas la crainte de verser le sang qui l’a arrêté ; un pareil sentiment lui était trop étranger. A-t-il méconnu la gravité de sa situation ? ou, la connaissant, n’a-t-il pas osé frapper un coup hardi, et s’est-il persuadé qu’il devait, avant tout, gagner du temps pour prendre ensuite la décision que lui indiqueraient les circonstances ? Toujours est-il qu’il s’est laissé prévenir par ses ennemis, et soit aveuglement, soit peur, soit enfin qu’il ait été dominé par une fatalité plus forte que lui, il a fini par succomber.

Peu après la conclusion de la convention de Bergara, il reçut des ouvertures du gouvernement de la reine pour une transaction semblable à celle qui venait d’avoir lieu ; un commissaire anglais se présenta pour traiter avec lui. Le capitaine-général de Catalogne pour la reine, don Geronimo Valdes, s’avança à la tête de ses troupes vers Berga pour accompagner le commissaire anglais, mais il s’arrêta en avant de la sierra de Viure pour éviter de laisser derrière soi la seconde division de l’armée carliste, commandée par don Manuel Ivañez ; autrement appelé et Llarc de Copons, qui manœuvrait sous les sierras de Poreig. De son côté, le comte s’avança seul et sans escorte au-devant du commissaire. La conférence dura environ une heure, après quoi le comte revint à Casa Minova, où il avait placé son quartier général au centre de ses divisions.

Quoique rien n’eût transpiré de part et d’autre sur le résultat de cette entrevue, il n’en fallut pas davantage pour provoquer les accusations des ennemis du comte d’Espagne. La présence sur la frontière de France du marquis de Mata-Florida et du colonel don José Oliana qu’on prétendait être des agens de l’ambassadeur d’Espagne à Paris en rapport secret avec le comte, acheva de fixer les soupçons. On ne sait pas encore d’une manière certaine si Mata-Florida et Oliana avaient en effet une mission de l’ambassadeur ; mais ce