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nation n’a qu’un moyen digne d’elle, digne de Napoléon, de payer cette dette ; c’est un vote des chambres. Encore une fois, qu’importe la somme ? J’en appelle à tous ceux qui ont connu l’empereur ; qu’ils nous disent si la tombe la plus simple, posée d’une manière digne, légale, solennelle, des mains de la France, ne serait pas préférée par lui au plus splendide monument élevé aux frais de simples particuliers, quelque nombreux, quelque respectables, quelque dévoués qu’ils puissent être.

Nous ne cesserons de le répéter, des souscripteurs ne sont pas la France. Eux-mêmes le reconnaissent et l’avouent, puisque avec une générosité qui les honore, après avoir donné des sommes plus ou moins considérables, ils s’engagent, si le cas l’exige, à parfaire. À parfaire ce qui manquerait à une souscription nationale pour les funérailles de Napoléon ! Mais si tout Français donnait seulement trois centimes, le million serait dépassé. On craint cependant, et on a peut-être raison de le craindre, que la souscription n’atteigne pas le million, bien qu’elle compte déjà plus d’un nom pour des sommes supérieures à 100 francs, à 1,000 francs.

Hélas ! que pourrait-il donc arriver ? que cette souscription se traînât, comme tant d’autres, dans les journaux, dans les cafés, dans les cabinets de lecture, des semaines, des mois, sans atteindre le but, ou ne l’atteignant du moins qu’après des efforts réitérés et pénibles. Eh bien ! nous ne craignons pas de le dire ; cela ne serait pas digne de la France, cela ne serait pas digne de l’empereur. Nous en appelons également et à ceux qui ont un sentiment élevé de la dignité nationale, et à ceux qui sont pénétrés pour le grand homme dont nous voulons honorer les mânes d’une profonde et respectueuse admiration.

Les personnes invitées à souscrire peuvent se dire, pourquoi souscririons-nous ? pour rapetisser une grande et solennelle manifestation de la volonté nationale ? pour mettre Napoléon sur la même ligne que tel ou tel particulier ? C’est la France qui doit tout faire ; la France agit par le moyen de son gouvernement. Si un million ne suffit pas, la somme sera dépassée : le gouvernement l’a dit, et les chambres françaises ne le démentiront pas. Dès-lors la souscription, fort honorable pour les souscripteurs, comme témoignage de leur dévouement et de leur reconnaissance, ou de leurs sentimens patriotiques, n’a pas de but réel.

L’incident que nous venons de rappeler n’a point changé la position du ministère dans la chambre. Ce serait se faire illusion que de le croire. Il y a eu un malentendu ; il n’y a eu ni la pensée ni l’envie de faire essuyer un échec au cabinet.

Le ministère a conquis une bonne position dans la chambre de la manière la plus honorable, à la sueur de son front, par la discussion habile et approfondie des affaires, de toutes les affaires. M. Thiers y a déployé toute la variété, la puissance, la souplesse de son talent. La question des sucres, la question de la banque, la réforme électorale, toutes les questions en un mot l’ont trouvé également prêt, également infatigable, et la chambre, qui s’amuse de