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DE LA POPULARITÉ DE NAPOLÉON.

couvrant la tombe tout entière de l’ombre de ses larges ailes ; qu’on ne dégrade un tel monument ni par une recherche déplacée ni par de froides imitations, et que l’art ne fasse pas regretter à Napoléon le saule planté sur un rocher battu des flots.

Un sentiment de haute convenance devait déterminer à laisser au gouvernement seul, et le choix du lieu de sépulture, et la fixation des détails artistiques et financiers de cette mesure nationale. À cet égard, des fautes nombreuses et à jamais déplorables ont été commises, et peut-être n’était-il pas impossible de le pressentir. La commission aurait dû comprendre qu’on ne fait pas d’enthousiasme par amendement, et qu’il est des inspirations qu’un million de plus ne grandit pas. Personne en France n’a droit de se dire plus patriote que le gouvernement, plus dévoué à des gloires nationales que la chambre qui s’était si chaleureusement associée à sa pensée. Lorsqu’une statue a pour piédestal la colonne des victoires, on a mauvaise grace à en réclamer une autre ; c’est, on a pu le croire du moins, renchérir avec quelque affectation sur l’initiative royale, au risque de n’aboutir qu’à une idée sans originalité et peut-être sans convenance. La chambre a voulu, en reprenant le projet du cabinet, jeter un peu d’eau sur cet enthousiasme trop ardemment allumé. Pusse cette eau ne pas se changer en huile pour alimenter la flamme si habilement entretenue ; puisse la chambre ne pas regretter un vote honorable dans sa pensée, mais dont elle reste dans l’impuissance d’exposer au pays la signification véritable ! Peut-être l’assemblée se devait-elle à elle-même de n’apporter ni passions ni paroles inutiles près de ces cendres auxquelles elle allait rendre un asile dans la patrie ; si elle redoutait de paraître confondre dans une admiration commune toutes les parties d’une vie pleine de tant de contrastes, contre le danger d’une pareille interprétation le silence était alors la protestation la plus significative et la plus éclatante, car le silence est, lui aussi, la leçon des grands hommes.

Quoi qu’il en soit, la matière ne comportait pas plus la discussion que le vote lui-même n’admettait l’incertitude, car devant la postérité que ce jour ouvrait pour Napoléon, deux choses étaient à jamais au-dessus de toute controverse : l’immensité de son rôle dans l’œuvre du siècle, et la légitimité de son titre au gouvernement de la France.

S’il fut dans le monde un droit suprême et manifeste, c’est assurément celui-là, car aucun pouvoir ne fut jamais plus nécessaire et plus universellement accepté. Un homme avait été suscité d’en haut pour arracher la société à l’abîme, y rétablir l’empire des