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LE THÉÂTRE EN ITALIE.

Le reste de la pièce n’est plus qu’une sorte de divertissement burlesque dans lequel figurent la meunière, les soldats, les paysans et Pulcinella poursuivi, déployant son adresse et faisant toutes sortes de tours de force. On le voit, par exemple, prendre la place de la girouette, et tourner à tous vents ; mais au moment où l’on met en joue ce personnage fort peu métallique, il fait un bond, saute sur le toit, du toit dans le jardin, et se blottit dans un coin, où il figure une borne. Un soldat monte sur cette borne pour regarder par une fenêtre, la borne se dresse et s’enfuit ; puis Pulcinella se glisse sous un van et tâche de gagner le bois cheminant comme une tortue. À la fin on le prend, et on le mène à Nicastro pour être pendu. L’histoire de sa pendaison est connue. Pulcinella se laisse tranquillement conduire sur l’échafaud ; mais, lorsque la corde est prête, il fait toutes sortes de façons avec le bourreau, s’y prend maladroitement, et feint toujours de ne pouvoir trouver l’ouverture. — Quel balourd ! s’écrie le bourreau impatienté ; tiens, regarde, c’est ainsi qu’il faut s’y prendre, et il passe sa tête dans le nœud coulant. Pulcinella saisit le moment favorable, se pend à la corde, et étrangle le bourreau, en lui criant — Eh bien ! suis-je encore un balourd !

Pulcinella chef de brigands rappelle une histoire de voleurs qu’on raconte aux enfans dans toute l’Allemagne et dans le nord de l’Italie. Dans le conte allemand, le brigand coupe le cou de l’enfant de la meunière, et il est aussi écrasé par la roue du moulin. L’auteur du scenario napolitain a sans doute eu connaissance de ce conte. Au reste, les faiseurs du pays puisent à toutes les sources, et il n’est pas rare de voir sur ces petits théâtres non-seulement les comédies de Molière, mais encore les tragédies de Racine et de Voltaire travesties d’une manière grotesque, avec accompagnement de Polichinelle.

À en croire les récits des voyageurs qui, dans ces derniers temps, ont visité l’intérieur de l’Afrique, les nègres de ces contrées ont leur théâtre national et leur poète dramatique. Ce poète, aussi fécond que M. de Balzac, s’appelle Youriba ; ses pièces sont des tableaux de mœurs, et ont pour titres : La Récolte de la Gomme, la Chasse au Serpent boa, etc. Dans ces drames compliqués, il y a toujours la caricature de rigueur du Diable blanc ; c’est ainsi que les nègres appellent l’Européen. Le diable blanc est très maigre, porte un habit galonné, grelotte et prend du tabac. Cette imitation est fort plaisante et tout-à-fait appropriée au goût de ces peuples, qui sont charmés de pouvoir se moquer impunément de ces hommes blancs devant lesquels ils tremblent d’habitude. Ces caricatures ont, de plus, une extrême ana-