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vous laissant notre pensionnaire ; mais je vous le répète, traitez-le bien, et surtout de la douceur.

— Ne craignez rien.

— Au revoir, docteur Pulcinella. (À part.) Mon ami Scaramouche, si tu réussis, tu auras fait là un fameux coup.

Le docteur Pulcinella, resté seul, se félicite de l’acquisition d’un nouveau pensionnaire. « Ce seigneur Scaramouche est vraiment généreux ; je lui ai demandé 50 ducats, et il n’a pas marchandé ; mon prix ordinaire est de 30, je suis fâché de ne pas lui en avoir demandé 100. » À la suite de cette réflexion bien napolitaine, on voit le docteur Pulcinella à l’ouvrage. Sa méthode curative est des plus simples : l’eau froide, la bastonnade et le cachot. Bientôt Scaramouche revient avec sa dupe ; c’est un joaillier de la rue de Tolède qui lui a vendu pour 5,000 ducats de bijouterie. La caisse qui contient les bijoux est dans une voiture laissée à la porte, et le joaillier en vient toucher le prix chez le notaire de Scaramouche, qui n’est autre que le docteur Pulcinella.

— Je ne connaissais pas ce notaire, dit Flavio le joaillier en entrant.

— Il est nouvellement établi.

— Il a une superbe maison pour un débutant.

— C’est qu’il a épousé une riche héritière, et puis vous savez qu’à Naples les gens de loi…

— Remplissent vite leurs poches.

— À qui le dites-vous ?

— Ah ! dans ce pays-ci, les gens honnêtes sont rares. Il y a des coquins d’une adresse et d’une audace…

— Ils vous déroberaient les semelles de vos souliers tandis que vous marchez, et cela sans que vous vous en doutiez. Tenez, monsieur Flavio, vous débutez dans le commerce, eh bien ! soyez sur vos gardes, car celui que vous croyez le plus honnête homme du monde peut vous tromper. (À part.) Tout à l’heure tu en auras la preuve.

Les Napolitains, comme on voit, ne se ménagent pas, et connaissent leurs côtés faibles. Sur ces entrefaites, le prétendu notaire arrive ; les choses se passent comme le docteur et Scaramouche en sont convenus. Le marchand, resté seul dans le salon, s’impatiente et trouve le temps long. Arrive un fou qui lui raconte que la veille on lui a fait manger pour son souper un courrier bouilli avec ses bottes fortes ; ce fou l’appelle âne, le prend à la gorge et fait mine de vouloir l’étrangler. Flavio appelle et se défend comme un lion. Le docteur Pulcinella accourt, les voit aux prises et les bâtonne l’un et l’autre. Flavio s’in-