Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 22.djvu/833

Cette page a été validée par deux contributeurs.
829
LE THÉÂTRE EN ITALIE.

ralisation, la religion, pour ces hommes grossiers, ne consistant guère qu’en une suite de pratiques puériles. Les choses en sont arrivées au point que la confession devient une sorte d’encouragement à pécher. Ces gens-là, en effet, font tout ce qui leur passe par la tête ; puis ils vont tous les trois mois raconter leurs fredaines à un moine qui en rit avec eux, leur recommande pour la forme de ne plus recommencer, et finit en leur disant que tout est pardonné. Eussent-ils volé ou tué, une fois cette parole dite, ils n’y pensent plus. Le maintien dans la ligne du bien, à l’aide de la raison et du sentiment du devoir, est tout autrement pénible, et rend sans aucun doute la vie moins douce et moins facile. Cette manière de vivre n’ouvre pas non plus aussi certainement les portes du ciel.

Un autre résultat des influences arabe et espagnole combinées fut de changer la condition des femmes. De libres qu’elles étaient sous les républiques du moyen-âge, elles devinrent esclaves, et les grilles et les duègnes remplacèrent les barrières naturelles qu’élevait bien plus sûrement l’éducation morale qui plaçait leur défense en elles-mêmes. Cette sombre et tyrannique galanterie amena, vers le milieu du XVIIe siècle, une inévitable réaction ; l’éducation du couvent n’offrant aucune garantie de la vertu des femmes, la liberté, ou, pour mieux dire, la licence remplaça tout à coup l’esclavage dont elles étaient victimes ; les sigisbés détrônèrent les duègnes, l’amour fut exclu du mariage, tous les liens de la famille furent brisés, le mari ne fut plus que l’homme d’affaires de la femme et le tuteur de ses enfans. Depuis le commencement de ce siècle, l’influence française et un meilleur système d’éducation ont modifié ces mœurs, sans toutefois les changer absolument.

Ces considérations étaient nécessaires : elles pouvaient seules donner l’intelligence du caractère national et faire comprendre les mœurs dont les théâtres de Naples nous offrent la caricature plus ou moins chargée ; elles donnent la clé des croyances du peuple ; elles expliquent des superstitions, l’ignorance profonde où il paraît être des notions les plus simples du bien et du mal, et son peu d’horreur pour le meurtre. L’homme qui tue n’est plus un assassin, c’est un pauvre diable qu’on avait provoqué et qui a eu un malheur. Proposez à ce malheureux de vous servir de guide le dimanche, il vous répondra avec horreur : Moi, manquer à la sainte messe !

Dans la plupart des maisons de Naples, mais particulièrement chez les médecins et les avocats, exposés par état à faire des mécontens, vous voyez se dresser d’énormes cornes de bœuf placées comme