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LE THÉÂTRE EN ITALIE.

l’Arabe ; comme lui, ils sont conteurs, et semblent avoir habité les palais des Mille et une Nuits. Ils doivent ce tour d’esprit poétique et merveilleusement varié, moins encore à leur ciel et à la domination espagnole, qu’à l’influence arabe non pas détournée, comme l’ont prétendu Mme de Staël et M. de Sismondi, mais directe. Cette influence se fait sentir, en effet, bien avant la parfaite consolidation de la domination espagnole : en premier lieu, lors des nombreuses invasions des Sarrasins en Sicile et sur les côtes du royaume, et lors de leur établissement dans diverses provinces du sud de l’Italie sous Manfred ; en second lieu, lors des grandes relations entre ces mêmes provinces et l’Orient au temps des croisades, Naples se trouvant sur la route de ces pèlerins armés ; plus tard enfin, lors des ravages des Barbaresques, de 1518 à 1550, sous Hariadan Barberousse, Draguet-Rayz et les rois d’Alger. Les provinces du royaume de Naples, entourées par la mer, présentaient un long déploiement de côtes difficiles à défendre et accessibles sur bien des points. Dans ces temps calamiteux, la dixième partie de la population du pays fut réduite en esclavage, et tous ceux de ces captifs qui, après avoir payé rançon, revinrent dans leur pays, y rapportèrent les habitudes arabes contractées pendant leur longue captivité.

L’effet de cette influence est sensible surtout dans les chroniques écrites en dialecte napolitain, remplies d’évènemens qui tiennent du prodige, racontées avec une prolixité pompeuse, et tout-à-fait dans le goût des chroniques arabes ; il l’est également dans les contes et la poésie populaires du pays qu’on pourrait qualifier d’héroïco-fantastique. Le Tasse et l’Arioste ont connu ces poètes antérieurs à la renaissance, que plus tard Bazile, Cortese et leur école ont continués ; ils se sont emparés de leurs fictions et les ont répandues dans toute l’Italie.

L’influence arabe, nous l’avons dit, se fait aussi sentir dans les habitudes et les mœurs ; mais là elle se trouve complètement modifiée par deux autres grandes influences, l’influence de la religion et l’influence espagnole. Ces trois influences ont été également funestes à la nation. La première a conduit au brigandage, les hommes à imagination vive et au caractère aventureux ; les montagnes furent leur refuge comme la mer était le refuge des corsaires. Ils faisaient des descentes dans la plaine comme les Barbaresques sur le rivage ; comme eux, ils pillaient les villages et rançonnaient les villes ; comme eux, ils emmenaient en captivité les habitans riches, et, s’ils n’en faisaient pas des esclaves, ils ne les relâchaient pourtant que sous bonne rançon. L’influence arabe fut fatale à toute l’Italie, surtout pendant la