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LES MISSISSIPIENS.

BOURSET, à part.

Aïe !

GEORGE.

Et j’ai travaillé dix ans avec Crouzat à la recherche des mines.

BOURSET, baissant la voix et ouvrant les yeux.

Eh bien ! ces mines ?

GEORGE.

Il n’y en a pas, vous le savez de reste…

BOURSET, hébété.

Qu’y a-t-il donc ?

GEORGE.

Des forêts, des troupeaux, des pâturages ; il ne manque que des bras, et c’est absolument la fable du trésor caché dans le champ du laboureur. En le cherchant, on remue la terre, on la fertilise, et c’est ainsi, et non pas autrement, qu’on s’enrichit en Amérique.

BOURSET, tâchant de reprendre de l’assurance et d’un ton brutal.

Vous ne savez pas ce que vous dites !

GEORGE.

Oh ! j’en fournirai la preuve à qui me la demandera.

BOURSET, à part.

Que la peste étouffe le philosophe ! Heureusement, je le tiens par son côté faible. (Haut.) Vous êtes donc amoureux de ma fille ?

GEORGE.

Pourquoi me faites-vous cette question, puisque vous ne voulez pas me la donner en mariage ?

BOURSET.

C’est que vous ne me paraissez pas dépourvu de sens, et on pourrait peut-être s’entendre avec vous par la suite.

GEORGE.

Ce ne sera pas long, car dans quelques jours le duc aura gagné les douze millions que vous lui promettez, ou perdra celui qu’il vous a confié.

BOURSET.

Il est certain que s’il y a beaucoup de gens comme vous, qui vont décrier nos affaires et nous ôter la confiance publique…

GEORGE.

Il y aura toujours des gens pour dire la vérité et des gens pour l’entendre. Ainsi, jouissez vite de votre reste, vous touchez au dénouement.

BOURSET, à part.

Il me donne froid, ce sauvage ! (Haut.) Et si je suis ruiné, puis-je refuser ma fille au duc de Montguay ?

GEORGE.

Oui.