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du khan de Bôkhara un conseiller d’état, M. de Négri. Parmi les personnes attachées à cette mission se trouvait le colonel de Meyendorff. La relation rédigée par cet officier a été publiée à Paris en 1826[1]. M. de Meyendorff insiste, de son côté, sur les avantages immenses qui résulteraient de l’établissement de cette influence légitime que la Russie a le droit d’exercer dans l’Asie centrale. « La marche progressive des lumières en Russie appelle ce vaste empire à réaliser une idée aussi généreuse. C’est à la Russie qu’il appartient de donner aux khanats de l’Asie centrale une impulsion salutaire, et de répandre sur ces contrées tous les bienfaits de la civilisation européenne. » La Russie a constamment entretenu, depuis cette époque, des relations actives avec Bôkhara, et il est probable que ce point sera le centre de la lutte commerciale qui s’engage aujourd’hui entre elle et l’Angleterre, lutte appuyée du côté des Anglais par l’expédition de l’Afghanistan, et du côté de la Russie par celle de Khiva. Cette dernière expédition, préparée à Orenbourg sous les ordres du général Perowski, avait été précédée d’un manifeste que nos journaux ont reproduit, et qui énumère les griefs très réels de la Russie contre le khan de Khiva. L’expédition, partie à la fin de novembre dernier, et dont on avait annoncé la marche au-delà de l’Emba, vers le 12 janvier, avait été attaquée près des bords de cette rivière par quelques partis de Khiviens qui avaient été repoussés et n’avaient plus reparu. Toutefois les froids extrêmes, les raffales de neige et les fatigues de la route paraissent avoir causé une perte considérable en hommes et la mort d’un si grand nombre de chameaux, que le général Perowski, se voyant encore à une distance considérable de Khiva à la fin de janvier, et craignant que tous les moyens de transport ne vinssent à lui manquer par suite de la rigueur inaccoutumée de la saison, a jugé à propos de rétrograder pour prendre position sur l’Emba, près de ses magasins. Il paraîtrait, d’après les dernières nouvelles, que ce mouvement rétrograde était complété au 14 février, et que de là, c’est-à-dire des rives de l’Emba, une partie du corps d’armée expéditionnaire se serait repliée sur Orenbourg. L’expédition doit être conséquemment considérée comme abandonnée pour cette saison. Mais la Russie, une fois décidée à pousser à bout cette entreprise, ne reculera pas, et on peut être certain que dès ce moment des préparatifs sur une plus grande échelle et protégés par des précautions plus minutieuses encore que celles qui avaient été employées naguère, sont en pleine activité. Au

  1. Voyage d’Orenbourg à Boukhara, etc., revu par M. Amédée Jaubert.