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LES SCIENCES EN FRANCE.

par un abus intolérable, stationnent devant les salles où se font douze des seize cours que donnent les professeurs. Souvent, lorsque les chevaux hennissent ou que les omnibus passent, le professeur doit s’arrêter, parce que sa voix est couverte par le bruit. La Faculté a écrit dix fois à ce sujet au ministre de l’instruction publique, qui de son côté a transmis ces réclamations au préfet de police, mais toujours sans résultat. Il est même arrivé que certains journaux qui croient apparemment que la liberté consiste dans la protection accordée aux intérêts matériels contre les intérêts de l’intelligence, et qui ne se rappellent pas les priviléges que les lois romaines accordaient aux professeurs, ont pris la défense des cochers d’omnibus, et n’ont pas craint d’injurier personnellement des hommes qui font la gloire de la France, à propos d’une mesure réclamée dans l’intérêt de l’enseignement. Ce qu’il y a eu de plus singulier dans cette affaire, c’est que les voitures si chaudement défendues en cette circonstance par ces journaux se sont trouvées plus tard au nombre de celles dont il a été le plus souvent question dans un procès de diffamation qui a fait tant de bruit. Au reste, après tout, de quoi est-il question ? D’étouffer la voix d’un Poisson, d’un Mirbel, d’un Geoffroy Saint-Hilaire. — S’il se fût agi de l’orchestre de Musard, les journaux et la police auraient su réduire au silence les chevaux.

Je ne m’étendrai pas davantage sur ce sujet, et je ne vous parlerai pas ici de mille autres faits semblables, tels que le refus que l’on oppose toujours aux instances de la Faculté des Sciences de Paris lorsqu’elle demande pour des hommes comme les Auguste Saint Hilaire, les Blainville, la suppression du titre d’adjoint sans aucune augmentation de traitement. Plus tard je reviendrai sur les facultés et sur cette foule de règlemens que l’on enfante tous les jours sans les consulter, ou même malgré leurs vœux : mais je ne cesserai de répéter que tant que nos mœurs et nos habitudes sociales resteront les mêmes, si l’on veut arrêter ce désir immodéré de popularité qui aveugle et perd tant de monde, il faut que l’état puisse soutenir la concurrence avec le public, et offrir à l’ambition des uns, aux intérêts des autres un plus noble appât ; et je terminerai cette lettre par quelques remarques sur les autres académies de l’Institut et sur les rapports qu’elles ont avec le public.

C’est uniquement par leurs travaux imprimés et par les séances annuelles que les académies, dont les réunions ordinaires sont secrètes, se font connaître dans le public ; et vous comprenez, monsieur, que, soit dans la direction et l’impulsion à donner aux travaux académiques,