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LES SCIENCES EN FRANCE.

carton et des bédouins venus du faubourg Saint-Antoine, et tout Paris se porte au Cirque Olympique, dont les acteurs recevront plus d’applaudissemens et d’argent que n’en auront jamais les plus courageux défenseurs de l’Algérie.

Je m’arrête devant un tel sujet, qui fournirait abondamment matière à de graves méditations ; car il ne faudrait pas se borner seulement, monsieur, à montrer que, le public étant devenu le dispensateur suprême des récompenses, il en résulte nécessairement que les esprits ardens et ambitieux s’efforcent de captiver à tout prix les suffrages et la bienveillance de ce maître prodigue, et qu’il ne reste à la nation et à l’état que le dévouement de ces hommes rares qui travaillent pour accomplir un devoir ou les services secondaires des esprits médiocres et timides ; on devrait aussi chercher un remède à ce grand mal, remède difficile à trouver et long à appliquer, et qui ne pourrait peut-être résulter que de la simplicité et de l’austérité des récompenses nationales, et de leur durée surtout, qu’on opposerait au fracas des applaudissemens publics, aux caprices de la popularité, toujours si fugitive de sa nature. Mais, afin que de telles récompenses pussent être appréciées, il faudrait commencer par réformer l’éducation, et s’occuper plus du caractère et de ce qui ne se voit pas que de ce qui se voit, s’appliquer à former l’homme intérieur plus que l’homme extérieur. C’est là une question immense que je ne dois pas entamer ici : je vais donc me hâter de revenir aux sciences et à la condition des savans parmi nous.

Il semblerait que la conséquence nécessaire des profits qu’on retire des suffrages du public lorsqu’on travaille pour lui devrait être l’obligation de la part de l’état de récompenser à son tour le mérite délaissé ou peu apprécié par le public, de manière à rétablir l’égalité ; mais les choses sont loin de se passer ainsi, et moins le public est en état de s’intéresser au progrès d’une branche des connaissances humaines, d’en comprendre l’utilité, plus l’état semble négliger ceux qui la cultivent. Ainsi, par exemple, si l’on examine les différentes facultés dont se compose l’Académie de Paris, on voit que les professeurs des Écoles de médecine et de droit reçoivent un traitement qui certainement n’est pas trop élevé, mais qui pourtant est encore double ou triple de celui des professeurs de la faculté des sciences. Et cependant les médecins, les jurisconsultes peuvent avoir d’autres moyens d’augmenter leur aisance, tandis qu’il est bien difficile que le professeur d’astronomie ou celui de botanique se fassent, par l’observation des