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TIRSO DE MOLINA.

Le théâtre espagnol n’est certainement pas une école de morale. Les faiblesses de l’amour, les excès, les trahisons, les violences dont il peut devenir le principe, sont les ressorts habituels sur lesquels repose l’intrigue des drames péninsulaires. Souvent même ils nous présentent des situations tellement vives, que nos dramaturges modernes, au milieu de leurs plus extrêmes hardiesses, n’oseraient pas les risquer. Hâtons-nous de dire que, grâce à l’élévation du langage, à la couleur poétique, à l’exaltation qui en anime le tableau, ces situations n’ont en réalité rien de bien choquant. Chez Lope, chez Calderon et la plupart de leurs imitateurs, l’expression cesse rarement d’être chaste, alors même que la pensée est le plus hasardée. Au sérieux, à la dignité, à la pureté même qui règnent dans la peinture de ces égaremens, on sent que c’est la passion qui parle et non pas le libertinage. C’est là un trait caractéristique dont on ne saurait tenir trop de compte, parce qu’il donne la véritable mesure de l’époque et du pays.

Un seul poète fait exception à cette règle : nous voulons parler de Tirso de Molina, un des esprits les plus originaux qui aient jamais existé.

Son véritable nom était Gabriel Tellez. Il était moine de la Merci ; cette circonstance, rapprochée de la nature de ses drames, fait comprendre qu’il ait cru devoir se couvrir du voile, d’ailleurs très transparent, du pseudonyme. Il est vrai que lorsqu’il prit l’habit religieux à l’âge de cinquante ans, la plupart de ses comédies étaient déjà composées ; mais on croit qu’antérieurement à cette époque, il avait déjà reçu les ordres sacrés. Né à Madrid vers l’an 1570, huit ans après Lope de Vega, dont il fut, dit-on, l’ami, et pour qui il professait une grande admiration, il mourut en 1648, à Soria, dans un couvent dont il était depuis peu devenu le supérieur. Le souvenir de ses travaux plus que