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sont les termes de leur plainte ? Le gouvernement des Deux-Siciles a accordé à une compagnie le monopole du soufre. Soit ; mais quelle est la nation que le contrat des soufres a plus favorisée que l’Angleterre ? Le privilége a-t-il exclu les Anglais du commerce des soufres ? Les Français le sont aussi, ainsi que les Suisses, les Américains, et même les sujets siciliens. Le privilége parle d’une compagnie et non d’une nation. Le mémoire soutient donc que le roi, en concédant ce privilége, a fait un acte d’administration intérieure ; il déclare que la réclamation de l’Angleterre porte atteinte à l’indépendance de la souveraineté du roi des Deux-Siciles, et à cet appui, il invoque le témoignage de Klüber, qui a ainsi défini l’exercice du pouvoir suprême : « La souveraineté renferme le droit de faire les institutions qui sont nécessaires à l’exécution et à l’application des règlemens donnés conformément au but de l’état. C’est ce qu’on comprend sous la dénomination de pouvoir exécutif suprême. Même les états étrangers et leurs sujets sont tenus de se soumettre à l’exercice de ce pouvoir, en tant que leur situation laisse influer sur eux les lois étrangères, et qu’ils n’en sont exceptés par des traités[1]. »

Je continue l’examen du mémoire. Qu’a fait le roi des Deux-Siciles, dit la défense de son gouvernement ; qu’a fait le roi en accordant un monopole à une compagnie ? Un acte ordinaire de son pouvoir comme administrateur indépendant de son royaume ; une mesure que la prudence a souvent conseillée aux gouvernemens. Cette mesure peut être opportune ou non, utile ou nuisible au commerce sicilien ; mais on ne peut dire qu’elle blesse les droits d’aucune nation étrangère. — En fait, et c’est avec plaisir que je le fais remarquer, l’écrivain officiel ne défend pas les monopoles dans ce mémoire au moins approuvé par le gouvernement napolitain et ouvertement publié sous ses auspices. Il cite encore Grotius et Vattel. L’un admet les monopoles sans les justifier vivement, l’autre les regarde comme étant en général contraires aux droits des citoyens ; mais il reconnaît qu’en certaines circonstances les forces des particuliers ne suffisent pas, et qu’alors il est naturel qu’il se forme des compagnies sous la protection du gouvernement. Ainsi se formèrent les grandes associations qui exploitèrent le commerce de l’Orient. Il est inutile d’ajouter que cette citation est faite en vue de la compagnie des Indes.

Revenons à la compagnie des soufres et à son traité. Quant à la

  1. Droit des gens moderne de l’Europe, pag. 11, tome I, chap. XI, § 56.