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de l’exploitation des soufrières, les bordonari, qui font le transport du soufre aux côtes. Il est peu de mines où les frais de ce transport dépassent 6 tarins par cantare, et un tarin par cantare pour frais d’embarquement, Toutefois, sans y comprendre ces bordonari, on peut affirmer que les mines de soufre de la Sicile occupent environ vingt mille personnes, sur une population de deux millions d’individus. Pendant mon séjour en Sicile, les travaux des soufrières étaient en stagnation, et la misère publique s’était encore accrue par l’effet de ce surcroît de population oisive.

Je vous ai montré que la France et l’Angleterre sont pour la Sicile les deux plus grands débouchés de ce produit ; ce sont, en effet, des compagnies françaises et anglaises qui s’occupent principalement, en Sicile, du commerce des soufres. Quant aux autres puissances, elles prennent à peine part à cette exploitation, et les États-Unis d’Amérique qui figurent dans le tableau des exportations du soufre pour la plus grande part après la France et l’Angleterre, n’ont tiré en 1833 que 8,153 cantares, et en 1834 que 14,621 cantares, tandis que nos chiffres, qui sont moindres que ceux de l’Angleterre, s’élèvent pour ces années, comme vous l’avez vu, à 201,200 et 296,820 cantares c’est-à-dire 1,207,200 et 1,780,920 kilogrammes. La valeur de ces exportations était pour la première de ces années de 2,874,839 fr. et pour la seconde de 3,570,120 francs. Vous voyez que la question du monopole des soufres concerne presque uniquement la France et l’Angleterre, et que, quant à nous, et à ne l’envisager que sous le rapport commercial, il nous serait impossible de rester indifférens à ce qui se passe à cette heure entre le ministère anglais et le gouvernement napolitain. Je vais donc m’y arrêter un moment. L’exportation du soufre avait dépassé dans les dernières années 600,000 cantares, c’est-à-dire 4,800,000 kilogrammes ; mais l’extraction était plus considérable d’un tiers, et en achetant cette masse restante à vil prix, les spéculateurs étaient maîtres de déprécier la valeur des soufres. Aussi, grace à ce jeu, les variations du prix des dernières années avaient été énormes, et les locataires de mines demandaient tous une mesure qui pût donner quelque fixité à la valeur de leurs produits. Je me trouvais encore en Sicile quand une société, sous le nom de Taix, Aycard et compagnie, où figuraient des capitalistes siciliens et napolitains, proposa au roi l’établissement d’une ferme générale des soufres dont elle demandait la concession. Son projet fut modifié, et il fut convenu qu’elle s’engagerait à acheter pour son compte les 600,000 cantares absorbés annuellement par la pro-