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points de textes comparés, il revendiqua même, à mots couverts, la priorité de la note. Nodier, en rendant compte dans les Débats de l’ouvrage où perçait cette petite aigreur, la releva avec une vivacité spirituelle et polie, mais assez aiguisée à son tour. À la mort du chevalier, il ne se ressouvint plus que de ses mérites dans un article nécrologique détaillé et touchant. J’ai souri toutefois en saisissant l’instant même où l’élève philologue s’est émancipé : comme dans toute émancipation, il y a eu un brin de révolte.

Ce livre des Questions de Littérature légale, fort augmenté depuis l’édition de 1812, et qui, sous son titre à la Bartole, contient une quantité de particularités et d’aménités littéraires des plus curieuses relativement au plagiat, à l’imitation, aux pastiches, etc., etc., est d’une lecture fort agréable, fort diverse, et représente à merveille le genre de mérite et de piquant qui recommande tout ce côté considérable des travaux de Nodier. Dans ses Onomatopées, dans sa Linguistique, dans ses Mélanges tirés d’une petite Bibliothèque, dans cette foule de petites dissertations fines, annexées comme des cachets précieux au Bulletin du Bibliophile[1], on le retrouve le même de manière et de méthode, si méthode il y a, d’érudition courante, rompue, variée, excursive. Ne lui demandez pas une discussion suivie et rigoureuse, armée de précautions, appuyée aux lignes établies de l’histoire, aux grands résultats acquis et aux jugemens généraux de la littérature. Il s’échappe à tout moment par la tangente, il ne vise qu’à des points spéciaux, à des trouvailles imprévues, à des raretés d’exception où il se porte tout entier et où son scepticisme déguisé agite l’hyperbole. Sa critique, c’est bien souvent une vraie guerre de guérillas, une Fronde qui fait échec aux grands corps réguliers de la littérature et de l’histoire. Ou encore, sans but aucun, c’est un assaisonnement perpétuel, le hors-d’œuvre à la fin d’un grand banquet, après une littérature finie. Athénée en son temps n’a guère fait autre chose. Bayle parle quelque part de ces lectures mélangées qui sont comme le dessert de l’esprit. Nodier accommode par goût l’érudition pour les estomacs rassasiés et dédaigneux. Son livre des Questions légales, par exemple, c’est proprement un quatre-mendians de la littérature ; on passe des heures musardes à y grapiller sans besoin, à y ronger avec délices. Il a poussé en ce sens le Bayle et le Montaigne à leurs extrêmes conséquences ; ce ne sont plus que miettes friandes.

Les esprits fermes, à régime sain, qui n’ont jamais eu de dégoût

  1. Chez Techener.