opinion sur la loi des pauvres, que le gouvernement anglais vient de donner à l’Irlande. Le résultat avoué de cette loi est la construction d’une centaine de maisons qui, sous de certaines conditions, offriront un asile à cent mille indigens. M. de Beaumont démontre à merveille que c’est là un pitoyable expédient, et qu’il n’en peut résulter aucun soulagement réel dans un pays où trois à quatre millions de créatures humaines éprouvent chaque année les angoisses de la faim. Si, dans les maisons dont il s’agit, la vie est douce et commode, tout le monde y voudra être admis, et le choix deviendra impossible. Si la vie y est dure et pénible, ce seront des prisons où se réfugieront les plus paresseux et les plus corrompus. Il est impossible qu’un gouvernement sensé comme le gouvernement anglais n’ait pas senti lui-même toute l’impuissance et tous les dangers d’une pareille mesure. Mais on voulait faire quelque chose pour l’Irlande, et l’on a fait la loi des pauvres, faute de mieux.
Voici donc, en définitive, quelle est mon opinion sur la question économique la plus difficile et la plus compliquée de toutes. Je crois la population irlandaise deux fois trop forte, non pas absolument, mais relativement à la masse de salaires en argent ou en nature qu’elle doit se partager. Si donc il était possible, par l’émigration, de réduire de moitié la population irlandaise, j’y verrais un moyen à peu près certain de lui faire remonter quelques degrés de l’échelle qu’elle a si déplorablement descendue depuis soixante ans. Mais l’émigration, appliquée à quatre millions d’hommes, est une pure chimère. Dès lors il ne reste qu’à agir sur l’autre terme du problème, et qu’à s’efforcer, tout en maintenant la population stationnaire, d’augmenter la richesse nationale, et par conséquent la masse des salaires. Mais dans l’état actuel de l’Irlande, et même en supposant que justice complète lui ait été faite, on ne peut guère espérer que les capitaux anglais ou étrangers viennent affronter les chances d’une nouvelle guerre sociale. Il y a donc pour l’Angleterre devoir et nécessité d’intervenir plus activement, plus efficacement, et de réparer, autant que possible, les maux qu’elle a causés. Je suis, d’ailleurs, bien loin de penser que la réforme économique doive faire ajourner d’un seul jour les réformes civiles, politiques et religieuses, dont M. de Beaumont a si bien démontré la nécessité. Quelle que soit la diversité apparente de ces réformes, elles se tiennent toutes par un lien secret, et concourent au même but. Toutes doivent donc marcher du même pas, sous peine de ne rien faire que d’incomplet et de mesquin.
Maintenant y a-t-il lieu d’espérer que l’Angleterre entre franche-