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gleterre dans les exportations qui se font à Trébizonde, et si les provinces du Danube, ainsi que l’équilibre de l’Europe, lui commandent de ne pas servir la politique russe dans quelques-uns de ses projets, la Prusse n’a pas des intérêts moins pressans. Depuis neuf ans, cette puissance assure de plus en plus sa prépondérance dans le nord de l’Allemagne, et ce serait marcher ouvertement contre le but qu’elle poursuit, que de se constituer simple satellite de la Russie. Pour affermir son influence au nord de la confédération germanique, et balancer celle de l’Autriche dans l’Allemagne méridionale, la Prusse doit être entièrement allemande, et tous ses hommes d’état, ses écrivains politiques, se récrient hautement contre ce qu’ils nomment la perfidie de la presse anglaise et française, qui affecte de montrer la Prusse comme un pays que son gouvernement a remis sans condition dans les mains de la Russie. Ils aiment à faire remarquer, au contraire, dans leurs dépêches et leurs écrits, que, depuis l’administration du prince de Hardenberg, la politique prussienne a incliné plutôt vers l’Autriche que vers la Russie, et que le comte de Bernsdorf lui-même, qui n’était pas un partisan de l’Autriche, se rangea de ce côté, quand il vit que le progrès des idées révolutionnaires qui gagnaient en Allemagne, exigerait bientôt un centre de résistance et une grande unité de répression dans tout l’empire. Si l’on veut bien se rappeler, en outre, que la Prusse a donné, malgré ses penchans alternatifs pour la Russie et pour l’Autriche, des preuves de sympathie pour le gouvernement actuel de la France, chaque fois que sa marche ne l’a pas alarmée, on ne sera pas étonné du bon accueil qu’elle a fait à un ministère dont elle espère l’affermissement de l’équilibre européen.

Pour la Russie, nos rapports comportent peu d’amélioration, et il n’y a qu’un mot à dire. Il y avait eu un embarras de paroles entre le maréchal Soult et M. de Médem, au sujet de la Pologne. Il cesse et disparaît par l’arrivée de M. Thiers. Le retour de M. de Pahlen en est la preuve, et la réponse du gouvernement russe à la première communication du ministère actuel était conçue, si nous sommes bien informés, en termes concilians. S’il était vrai qu’il y fût question de l’empressement avec lequel le gouvernement impérial contribuera de tout son pouvoir à rétablir la bonne harmonie entre les deux grands états constitutionnels, loin de vouloir profiter de leurs dissentimens, on pourrait peut-être voir percer là une satisfaction un peu hautaine de la position acquise par la Russie pendant le ministère du 12 mai ; mais on ne pourrait s’en prendre au ministère actuel, car ce n’est pas lui qui y aurait donné lieu.