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RÉFLEXIONS POLITIQUES.

de l’ensemble de ces actes ne disparaît pas moins. La Pologne, l’Espagne, le Portugal, la fondation du royaume de Belgique, et surtout le fait du traité de la quadruple alliance signé entre une puissance qui a joué un grand rôle au congrès de Vienne, une puissance qui n’y figurait en quelque sorte que comme accusée, et appelée pour répondre aux réclamations de toutes les autres, et deux états qui n’y ont pris place qu’en seconde ligne ; quelles importantes déviations des actes de 1814 et de 1815 ! Un jour donc, quand les choses auront pris d’elles-mêmes quelque équilibre, quand les intérêts froissés par les évènemens successifs chercheront une place nouvelle dans l’association européenne, il arrivera que, sans une de ces longues guerres auxquelles il a toujours fallu en venir pour amener les grandes assemblées réparatrices, sans secousse, on se mettra à régler de nouveau le droit public européen où s’introduisent successivement tant d’élémens qui n’y figuraient pas. Or il est bien permis de prévoir l’importance du rôle qui reviendra à la France en pareil cas, si elle sait conserver et faire valoir la situation qu’elle a prise et gardée depuis le 13 mars 1831.

Demander l’anéantissement des actes de Vienne et la rupture des déplorables traités de 1815, c’était donc vouloir rompre un ensemble de rapports existans qu’il eût fallu remplacer aussitôt, soit en faisant reconnaître son droit ou ses prétentions par la guerre, moyen toujours hasardeux, soit en appelant, s’il se pouvait, les états de l’Europe à une conférence générale où, pacifiquement, on n’était pas en mesure de jouer un rôle. En un mot, la gauche voulait, en 1830 et 1831, renverser à la fois la charte de la France et la charte de l’Europe ; et raisonnablement, si on pouvait modifier en peu d’heures la constitution qui nous régissait, c’était de l’aveuglement que vouloir exercer ce même droit sur la constitution d’état consentie par vingt peuples différens.

La France n’a pas à jouer ce rôle ; ses intérêts ne le commandent pas. Elle est assez forte pour être modérée, et, dans sa situation, la modération ajoute encore à sa force. L’Europe le sait bien, et ceux de ses gouvernans qui ont une véritable perspicacité ne s’alarmeront pour leur influence qu’en nous voyant dans les voies de la modération.