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RÉFLEXIONS POLITIQUES.

§ i.

Il paraît, à écouter quelques personnes, d’ailleurs bien intentionnées, nous n’en doutons pas, que de grands changemens se sont opérés depuis un mois dans la politique de la France, et qu’ainsi ceux qui tiennent à conserver les institutions du pays doivent se réunir et se concerter pour les défendre. Nous ne saurions, pour notre part, et quels que soient nos efforts, découvrir les périls qu’on nous signale. Nous ne les voyons ni dans le pouvoir ni hors du pouvoir, et quelque estime que nous ayons toujours professée pour le talent et la capacité de M. Thiers, il nous serait difficile de reconnaître qu’il soit appelé à la haute destinée que lui désignent ses adversaires actuels. Dans sa situation nouvelle, M. Thiers n’a, selon nous, à vaincre ni la royauté, ni le parti conservateur, qui hésite à la fois à l’appuyer et à le combattre, car il ne s’est jamais fait leur adversaire, et, quant à la gauche, nous ne craignons pas qu’elle l’entraîne. Il y a dans les affaires et dans la direction de l’état quelque chose qui parle si haut à un esprit juste, il y a dans les dépêches et dans les rapports administratifs des avertissemens si fréquens et si péremptoires, qu’une intelligence élevée ne peut dévier en présence de ces choses. Comment donc supposer qu’un ministre qui s’est montré subitement homme de gouvernement le lendemain du jour où il avait jeté sa plume d’écrivain de l’opposition, qui, jeune encore, a fait face aux imprudens et aux