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pays, M. Casimir Delavigne se montrait plus Romain que Gaulois ; il parle évidemment un peu trop du soleil d’Italie, et, au lieu des appellations qui eussent pu avoir un sens si formel, on est tout surpris de rencontrer sous sa plume les noms de Camille et de Tullius. Déjà, depuis bien long-temps, il ne s’agissait plus d’invasion étrangère ; M. Casimir Delavigne eut le tort d’oublier le millésime courant de 1827, et d’ignorer qu’un titre bon à exprimer les sentimens spéciaux d’une époque, ne pouvait convenir à des sujets pris en d’autres temps et en d’autres lieux. Les premières Messéniennes elles-mêmes commençaient à subir la loi de l’oubli malgré leur ancien retentissement, elles n’étaient point destinées à la durée promise aux thèmes généraux et éternels qu’on relit sans cesse. Avec bien plus de raison le poète eût-il dû comprendre qu’on ne refait point identiquement le même œuvre, et qu’après surtout l’à-propos enfui, on ne saurait retrouver à longue distance un succès d’égale veine.

Une dernière fois, alors qu’éclata juillet 1830, M. Casimir Delavigne devait revenir à l’idée fondamentale des Messéniennes, avec un sentiment rajeuni sans doute, mais aussi avec moins de réussite encore dans la forme. Il était tout simple que la révolution de juillet rappelât à M. Delavigne son rôle interrompu, mais toujours cher, de poète national, d’autant qu’il le pouvait confondre cette fois dans ses sentimens d’affection pour la maison d’Orléans. À ce double titre, il entonna coup sur coup des chants populaires inspirés des circonstances, la Parisienne, le Dies iræ de Kosciusko, la Varsovienne, le Chien du Louvre, lesquels, tant que dura la fièvre, eurent le privilége de défrayer le triomphant lyrisme des vainqueurs, et dont le premier résonna mille fois sur toutes les places publiques de France. Mais si la Parisienne et le Chien du Louvre font incontestablement honneur aux sentimens patriotiques de M. Delavigne, ils ne laissent pas, en revanche, une idée bien haute de son talent de poète. Ces hymnes populaires, données pour la plupart comme des improvisations, en avaient un peu trop en effet la banalité courante et l’air de prose chantée.

Avant d’aborder toute la période dramatique nouvelle de M. Casimir Delavigne, je ne sais s’il faut citer, en se reportant à la restauration, une comédie qui restera comme l’erreur capitale de cet écrivain. La Princesse Aurélie s’isole en l’endroit le plus obscur du répertoire de M. Delavigne, moins encore peut-être par l’infériorité de mérite que par sa chute tout exceptionnelle. Représentée en 1828, après quatre ans d’absence du théâtre, c’était de tout point une ren-